[AD&D] Les deux visages de Port-Argent

Venez nous compter vos récits d'aventures.
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meninges
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[AD&D] Les deux visages de Port-Argent

Message par meninges »

Camarades,

Après une première campagne particulièrement réussie et riche en émotions, la compagnie perce-nuit a décidé de se lancer dans de nouvelles aventures ! Une campagne ouverte et citadine : « Les deux visages de Port-Argent » que nous allons partager sous forme de compte rendu de campagne et d’un actual-play sur notre chaine Youtube et sur Spotify.

Nous jouons dans un style « Old-school Renaissance » où le maître du jeu est un arbitre jouant le monde et interprétant les règles, où la ruse et l’inventivité des joueurs sont plus importantes que leurs fiches, où le danger rôde dans chaque recoin obscur et où, si la chance nous sourit, nous deviendrons des héros !

Les règles que nous utilisons sont disponible sur notre itch.io, il s'agit de la simplification de AD&D par Tom Moldvay. Nous utilisons OBS studio pour l’enregistrement et Owlbear Rodeo comme VTT. Nous jouons deux parties par mois, vous retrouverez les enregistrement sur ce fil ou sur notre blog. Le contenu est original et entièrement libre de droit, nous avons l’autorisation des labels pour la musique et nous n’utilisons pas d’intelligence artificiel !

1. Les personnages-joueurs (vous pouvez trouver une description plus complète sur la page "compagnie perce-nuit" de notre blog)
- Le capitaine Zarel, un sorcier elfe, niveau 4
- Sombrelune, un humain ranger, niveau 5
- Facette, un demi-elfe, assassin, niveau 5
- Banni, un humain guerrier, niveau 4
- Vaillance, une nain clerc, niveau 5
- Mirum, un humain illusioniste, niveau 2
- Steppe, un demi-orc guerrier, niveau 4

2. Les personnages non-joueurs
- Silence, un humain clerc, niveau 3
- Beffroi, l'intendant nain de la compagnie
- Tom, un jeune palfrenier
- Wulf, un viel arbalétrier
- Eawic et Eafin, deux fantassins


La campagne se déroule dans le monde de Vouivre, un univers de dark fantasy de ma création.


Vouivre est un monde sombre et mystérieux, façonné comme un immense Arbre par les Architectes immortels. Leur œuvre terminée, ils jurèrent de ne plus intervenir et confièrent aux peuples pensants la Vouivre, reine des dragons, comme guide. Sous son égide s’éleva la civilisation des chevaucheurs de dragons, dont il ne reste désormais que des ruines car l’un des Architectes trahit son serment : le Parjure. La guerre entre Loi et Chaos ravagea le monde, et la Vouivre se sacrifia pour l’enchaîner dans les racines de l’Arbre-monde.

Peu après, comme une malédiction, les Brumes pourpres apparurent : corruptrices, meurtrières, elles engloutirent les trois quarts du continent. La civilisation des chevaucheurs s’effondra, et l’humanité ne dut son salut qu’à d'antiques monolithes capables de contenir le brouillard corrosif.
Dernière édition par meninges le Ven 10 Oct 2025 17:39, édité 2 fois.
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Re: [AD&D] Les deux visages de Port-Argent

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Livre II : Les deux visages de Port-Argent
Chapitre 1 : Entre Terre et Mer

ACTUAL-PLAY


Je suis Silence, chroniqueur de la compagnie Perce-Nuit. Je tiens le registre de nos aventures. Nous sommes des mercenaires, jadis légendaires pour avoir traversé les Brumes sans aide miraculeuse ni magique. Aujourd’hui, nous sommes réduits à une poignée de soudards sous le commandement du capitaine Zarel. Après avoir sauvé Saint-Pancrace d’un dragon noir fidèle du Parjure, nous nous sommes établis dans une tour en ruine sur la côte du golfe du Dragon, en Terre-Sainte.

L’hiver est alors consacré à rebâtir la place forte. Maçons, charpentiers, tailleurs de pierre et forgerons se succèdent sous l’œil vigilant de Beffroi, l’intendant nain. Le spadassin Banni, originaire de Port-Argent, s’occupe du recrutement et met en place une petite garnison. Deux nouvelles recrues rejoignent la compagnie : Mirum, un jeune sorcier blond de la République de l’Enclave, et Ashva, une prêtresse naine recommandée par Rivière, un précieux ami des Perce-Nuit. Pendant ce temps, Sombrelune, l’homme des bois, explore les alentours. Le fief reste modeste — quelques hectares cultivables et une parcelle boisée — mais les environs sont riches en gibier et en mystères. Au cœur de la forêt, le rôdeur découvre ainsi un tertre surmonté de menhirs, les pierres levées. Facette, l’assassin, poursuit ses missions dans l’ombre, ne rendant de comptes qu’au capitaine. L’elfe se plonge dans les ouvrages de l’ancien maître de la tour, apprenant les arcanes sombres de l’alchimie. Steppe, le demi-orc, veille aux montures et à l’embarcation de la compagnie.

Malgré une expédition dans le désert de Sable-Rouge, les coffres demeurent vides. Le bastion, isolé, peine à attirer recrues et contrats. Au retour des beaux jours, Zarel décide donc d’envoyer Steppe à Port-Argent pour y ouvrir un comptoir. Le demi-orc connaît bien la ville où il a grandi. Quelques semaines plus tard, un messager apporte une missive : Steppe a trouvé un commanditaire, mais réclame l’avis du capitaine. Sans tarder, le sorcier met le cap sur Port-Argent, accompagné de Mirum. Ils embarquent depuis Saint-Pancrace à bord d’un navire marchand.

En l'attente d'un ordre de mission, chacun s'occupe comme il peut. Finalement, Sombrelune — le plus ancien des Perce-Nuit encore au Fort — propose une expédition dans la forêt pour étudier les pierres levées. C’est une occasion de se dégourdir les jambes et de reprendre l'entraînement. À l’aube, guidés par le ranger, nous nous engageons dans Bois-Petit. Les chênes s’ornent de feuilles, une odeur d'humus emplit l'air et un vent frais balaye les branches. La marche est longue, le terrain est vallonné. Banni, plus serré qu'à son habitude dans sa cotte de mailles, se laisse parfois distancer. Mais, le soir venu, pas de menhirs à l'horizon. « Je crains de nous avoir perdus », lâche notre guide. Contraints, nous trouvons une petite clairière où un arbre penché et tordu offre un abri. Ashva monte la tente, nous récoltons du bois mort et allumons un feu pour réchauffer nos carcasses fatiguées. « Demain, je retrouverai notre chemin, les amis », glisse Sombrelune pour nous rassurer. La canopée se couvre de couleurs orange et or.

La nuit, la nature reprend ses droits. Au loin, nous entendons le hurlement d'un loup, des glapissements, des hululements. Des yeux jaunes nous observent parfois dans les fourrés. Après un maigre repas, nous organisons des tours de garde.

Soudain, une main se pose sur mon épaule, celle de la naine : « Quelqu'un approche », souffle-t-elle. Nous tendons l'oreille. Des pas suivis d'un bruit sourd. Trois pattes ? Sombrelune saisit son arc, le spadassin son épée. « Qui va là ! » crie le rôdeur. « N'ayez crainte », répond une voix féminine. Une ombre surgit dans la lumière oscillante du feu de camp. Une jeune demi-elfe au visage fin, androgyne, les yeux violet quasi brumeux — elle a un faux air de Facette —. « Je vous ai suivis depuis le Fort. Je croyais que vous vous rendiez aux pierres et vous avez bifurqué, mais j'ai retrouvé votre trace », ajoute la mystérieuse inconnue. Le doute naît : s'agit-il d'une nouvelle farce de notre compagnon l'assassin ?

Nous nous assurons qu'elle ne porte pas d'arme. L'interrogatoire est mené par Sombrelune. La jeune femme explique être envoyée par Facette. Ses mains s'agitent, une poussière bleutée volette, formant le visage de Facette dans les airs. « Je me prénomme Songe, illusionniste. Je suis la sœur jumelle de celui que vous appelez Facette et l'apprentie de Qu'un-Œil. Mon frère m'a demandé de gagner le Fort pour rejoindre la compagnie. Et puis je vous ai aperçus et je vous ai suivis ». Elle se tourne vers moi. « Silence, je présume. J'ai un présent pour vous, de la part de mon frère ». Elle me tend un sac en toile assez lourd. À l'intérieur se trouve une masse d'arme en acier bleuté. Je la reconnais immédiatement. C'est l'arme magique que nous avions trouvée dans le donjon noir. Frère Aubart, le capitaine des Sentinelles, se l'était appropriée. Mais comment l'a-t-il eue ?

La tension redescend. Nous nous allongeons autour du feu pour faire la connaissance de Songe. C'est une sorcière, passionnée par les brumes pourpres, son sujet d'étude. Au matin, elle nous indique la direction des menhirs : « Mon maître est l'ancien mage de la compagnie, il m'a presque élevée. » Contrairement à son frère, Songe parle, se confie, la matinée passe vite.

Face à nous se dresse une colline. Elle ne semble pas naturelle ; c'est un tertre d'environ 600 pieds de large. Des ronces, des broussailles et des arbustes le recouvrent, mais on distingue de larges pierres çà et là. En prenant du recul, les roches forment un visage squelettique. « Un endroit maléfique », lance Banni. Sombrelune repère une stèle couverte de mousse, il gratte la surface avec la lame de sa dague.

« Ci-gît Aceɾeɾɑƙ, ɗeɱi-ɗéɱσƞ. Bɑƞƞi ɑ̀ jɑɱɑis ɗe ce ɱσƞɗe »

Les runes sont anciennes, « d'avant les brumes, probablement de l'âge de la destruction », ajoute notre cleresse.

Personne ne souhaite réveiller les morts pour le moment, mais il faudra penser à explorer cette crypte. Sur le chemin du retour, notre pisteur retrouve la trace de l'ours-hibou qu'il traque depuis des semaines. Le monstre est sorti de son hibernation. « Une femelle », estime Sombrelune. La boue fraîche nous mène à une tanière, une caverne aux odeurs de putréfaction qui s'enfonce sous un petit vallon. Là encore, notre carte sommaire s'orne d'une croix rouge. Il faudra essayer de récupérer des œufs, leur valeur est inestimable.

C'est au crépuscule que nous atteignons enfin le Fort. Wulf, l'arbalétrier de la garnison montée par Banni, nous interpelle du sommet de la tour. « Un message du capitaine est arrivé dans la journée ». Dans la salle commune, c'est l’excitation. Tom, le palefrenier, court autour des chaises, essayant d'attraper l'étrange corbeau que nous avons trouvé dans les ruines ; Beffroi apporte une marmite bouillante de ragoût. Les frères Eawic et Eafin jouent aux cartes en piaffant.

Wulf nous tend le parchemin dont le sceau est intact. Dans un angle de la pièce, Facette boit dans une corne. « Il semble que je sois rentré au bon moment. Pour le message du capitaine et l'arrivée de ma sœur. » La naine le rabroue : « À l'avenir, Facette, évite de disparaître plusieurs semaines, nous nous inquiétions. » L'assassin rétorque d'un air moqueur : « Je devais récupérer la masse d'arme et restaurer l'honneur de la compagnie ! »

Sombrelune rompt le sceau. L'écriture est hachée, tranchante.

« 27e jour du premier mois de Printemps. Compagnons, Je vous écris en hâte, un étrange mal s'est abattu sur la cité de Port-Argent. Notre commanditaire nous prie d'enquêter. La récompense est à la hauteur du danger. Steppe a disparu. Rejoignez-moi au plus vite, la situation est critique ! Capitaine Zarel »

Branle-bas de combat. Le capitaine nous réclame. Une mission. Steppe est en danger, c'est donc toute la compagnie qui est en danger. Sombrelune lance des ordres. Demain, nous chargerons notre byrding — un petit drakkar de 30 pieds de long sur 6 de large, muni d'une voile carrée et de deux paires de rames — et nous prendrons la mer. Il faudra traverser le golfe du Dragon pour rejoindre la cité de Port-Argent. Chacun s'organise. Ashva va vérifier l'état du bateau. Beffroi scelle nos rations dans des tonneaux. Sombrelune vérifie les cartes. Mais nous faisons face à une difficulté majeure : seul Steppe avait une formation de marin...

Au matin, le spadassin de Port-Argent grimpe alors sur son cheval et galope vers le village de Courbault. Ayant passé quelques soirées à la taverne du Hameau, le mercenaire sait que des pêcheurs s'y sont installés pour vendre leurs marchandises. Il espère trouver un navigateur. La chance lui sourit. Après une bonne négociation, il nous ramène Trogne, un vieux loup de mer qui a roulé sa bosse.

Nous appareillons en début d'après-midi. Beffroi restera au Fort avec la garnison et Songe pour veiller sur nos intérêts. La petite équipe est réunie sur le ponton. Curieusement, Facette serre sa sœur dans les bras avant de monter à bord. Le demi-elfe aurait-il des sentiments ? Quant à Tom le palefrenier, il est introuvable. Sans doute vexé par le refus de Banni et Sombrelune de le laisser venir avec nous.

La mer est d'huile et c'est à coup de rames que nous nous éloignons de la côte. Pour aller au plus vite, nous voguerons de jour comme de nuit. Trogne nous explique pouvoir se repérer avec les étoiles ou les lumières de la côte. Pour sortir de la baie, nous longeons l'île du monastère de Mont-Tombe. La silhouette inquiétante de l'abbaye fortifiée se dresse sur les pics rocheux.

En fin d'après-midi, à l'horizon, des nuages noirs s'amoncellent. Le guerrier et la cleresse prennent le temps de retirer leurs armures. Les voiles se gonflent. Les avirons sont rangés et en quelques minutes, une pluie épaisse nous tombe dessus. L'étrave du navire fend les vagues, mais elles deviennent de plus en plus grandes, accompagnées de profonds creux. Ça roule. Ça tangue. Trogne hurle des ordres. D'abord, il profite du vent arrière pour rattraper notre retard avant d'affaler la voile pour éviter de chavirer. Au milieu de la tempête, alors que Banni sécurise nos tonneaux avec un bout, il bute sur un sac de tissu et entend un « Aïe ». Il se tourne vers Ashva et ouvre le ballot. La tête brune de Tom émerge. Le regard de Facette devient pétillant. Encore un coup du roublard. Le gamin est ravi, nous moins.

Je déteste la mer. Je suis verdâtre, comme la plupart de mes compagnons. Plusieurs rendent. L'habileté de Trogne nous sauve, car au matin, lorsque les nuages se découvrent, nous réalisons que nous avons dérivé vers le nord sans trop nous éloigner de notre cap. Un vent d'est se lève. Assis sur le pont, nous partageons quelques rations. Le pain et la venaison s'échangent. Facette relate avec précision le plan qu'il a fomenté pour récupérer la masse d'arme. Les tromperies, la discrétion et la discorde. Et alors qu'il conclut en expliquant avoir fait porter le chapeau du vol de la masse à la pègre, Tom pousse un cri. « Là-bas, regardez ! » Au sud, trois formes ailées s'approchent. Les créatures aux ailes membraneuses décrivent de grands cercles concentriques. « Des ptéranodons », grogne Trogne. « Ils nichent dans les falaises qui bordent la plaine des Cendres. Ils attrapent habituellement des poissons au large, mais si une cible leur semble plus facile, ils n'hésitent pas. » Le pêcheur vire de bord pour essayer de se mettre dos au vent. Les monstres se rapprochent, leurs cris stridents nous parviennent. Leurs longs becs brillent avec le soleil.

Immédiatement, Facette jette Tom sous une bâche en tissu à la poupe. « Reste ici et vise les tendons si ces dinosaures t'attrapent », lui lance-t-il en lui glissant une dague dans la main. Ashva se positionne à la proue. Elle boit une rasade de sa flasque puis entonne un chant grave et puissant, un cantique des immortels, une prière pour nous préserver. Je sens des picotements dans les mains et une chaleur réconfortante m'entoure. Banni saisit l'un de ses javelots et Sombrelune se protège à bâbord derrière son bouclier.

Un premier ptéranodon fond sur le navire. Ses ailes puissantes projettent de l'écume alors qu'il slalome entre les vagues. Banni lance avec force son épieu. La membrane de cuir est percée. Dans un cri, la bête percute une vague et disparaît dans les flots bleus et agités. Soudain, dos au soleil, une autre créature se jette en piqué sur le guerrier. Banni n'a pas le temps de réagir. Le puissant bec se referme sur sa jambe gauche, du sang coule à travers ses braies, et le voilà soulevé dans les airs. Sombrelune blesse la monstruosité d'un coup d'épée d'argent au passage, mais elle garde sa proie en gueule. Facette attrape un cordage qu'il noue comme un lasso. La troisième créature le frôle. Il jette sa corde, qui rate sa cible.

Dans les airs, Banni se débat. Il sait qu'une chute en armure dans l'océan lui serait fatale. Sombrelune court à tribord. Il bande son arc, la première flèche se plante dans la patte de l'animal. Le spadassin libère sa jambe et s'agrippe au cou écailleux du monstre volant. Je me précipite à l'avant. Trogne manœuvre le navire pour suivre le fuyard. Une prière aux immortels me permet d'invoquer une force magique, frappant à la gueule le reptile. Celui-ci perd instantanément connaissance. Son corps flasque chute et s'écrase dans une gerbe d'embruns dans l'eau. Banni réussit à se hisser sur le cadavre qui flotte encore. Facette n'hésite pas une seconde. Il tend la corde à Tom : « Accroche-la au mât », passe le lasso autour de sa taille et se jette à la mer, nageant vers son compagnon.

La troisième bête revient pour un dernier assaut. Du pied, la voix toujours forte, Ashva me glisse son arbalète. J'ajuste ma visée, mon carreau se plante dans le torse musclé du dernier ptéranodon. Il lâche un dernier cri strident en s'éloignant en fureur. Nous sommes tranquilles.

Banni est hissé par Trogne et Tom. Sur le bastingage, Facette, sa moue moqueuse habituelle, hoquette : « Encore un qui me doit la vie ! »
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Hallacar
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Re: [AD&D] Les deux visages de Port-Argent

Message par Hallacar »

merci pour le partage
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meninges
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Re: [AD&D] Les deux visages de Port-Argent

Message par meninges »

Chapitre 2 : Vaillance
ACTUAL-PLAY Le vent se lève, gonfle les voiles. Trogne maintient la barre. Le spadassin de Port-Argent et l'assassin demi-elfe sont allongés sur le pont, ruisselant d'eau de mer et épuisés. Ashva, notre cleresse, s'approche de Banni, elle appose les mains sur la cuisse du guerrier, se concentre. La force des Immortels réchauffe ses paumes et la plaie se referme. Nous avons échappé de peu à la mort, mais demain nous serons à Port-Argent.

Le soir, le pêcheur, après avoir soigneusement attaché le gouvernail avec un bout, installe un large plat en fonte au centre du pont. Il y monte un petit feu qui réchauffe nos carcasses. On y grille quelques sardines. La nuit est fraîche.

Au matin, nous apercevons enfin notre objectif : Port-Argent. Ce bourg est la plus grande cité des contrées épargnées par la brume. Soixante mille âmes y vivent. Cette puissance est liée à sa position stratégique, édifiée sur l'estuaire du fleuve jumeau, Port-Argent commerce avec l'intérieur des terres et les villes côtières. C'est une cité franche, point de seigneur ou de roi, mais un conseil municipal composé des neuf maîtres de guilde des principaux quartiers de la ville. Avec la cité fluviale de Pont-Besson, elle forme une alliance : la Ligue des Deux-Rives. Ici, le pouvoir, c'est l'or et non le sang.

À mesure que nous nous rapprochons, nous distinguons au-dessus de la mer ses hautes murailles. Une pierre blanche, lisse, vieille d'un millénaire, la protège. Derrière, sur la rive sud, reflétant les rayons du soleil, se dresse la flèche de la Cathédrale des Immortels, fierté du quartier de l'Or. Ce petit quartier est administré par l'église, les sentinelles y sont maîtres : couvents, monastères, cloîtres s'y succèdent, mêlant l'architecture gothique à celle plus antique des chevaliers dragons. Ces ruelles entretenues et pavées s'ouvrent sur une curiosité : la Porte de la Pitié, le cimetière de la ville. Au pied des remparts s'accumulent un enchevêtrement de tombes, de galeries, de catacombes, de fosses communes. C'est dans cette nécropole que survivent miséreux, mendiants et indigents. Au plus près des Immortels existe une étrange symbiose entre vivants et morts.

Plus loin, niché au cœur des palais aux longues colonnades doriques, aux statues de marbre et aux fontaines ouvragées, apparaît le Prétoire, siège du conseil municipal. Rive gauche, le cœur administratif de la cité où règne le collège des boutiquiers et où les négociants vivent dans l'opulence de l'architecture des chevaliers dragons.

Notre embarcation file sur l'eau, le courant de l'embouchure du fleuve se fait sentir. Immobile sur une tourelle crénelée, une vigie nous fait signe de nous diriger vers le port de l'Arsenal. Curieux. Ce petit port est normalement le lieu de débarquement des navires fluviaux. Ses docks aux larges arches en pierre nous font face. Comme son jumeau de la rive nord, les quais sont sous le contrôle des Lamaneurs.

Deux ponts enjambent le fleuve. Le plus impressionnant, Grande Arche, est un aqueduc. Port-Argent est doté d'égouts et de fontaines, une ingéniosité oubliée des chevaucheurs de dragon. Le second, le pont de l'Estuaire, est en bois, c'est un immense pont-levis. Banni fronce les sourcils, il est relevé. Lui qui est originaire de Port-Argent sait que c'est exceptionnel. Que se passe-t-il ?

Rive-Nord, le paysage change. Après l'arrivée des brumes, un terrible incendie ravagea les quartiers nord. La légende raconte qu'il était d'origine magique et que c'est une des raisons qui poussa les mages à porter des masques. Reconstruites en bois et torchis, les maisons à colombages et encorbellement ont poussé de manière erratique, formant des ruelles sombres, boueuses et sinueuses.

Tom pointe du doigt vers une étrange tour, haute de plusieurs centaines de pieds, vacillante au vent, aux fenêtres en ogive et vitrail, il s'agit de la Tour du Voile, lieu de vie des sorciers du Magistère. Autour s'étend le quartier du Prestige. Apothicaires, alchimistes et herboristes y profitent de l'aura des arcanistes.

Trogne pousse la barre et notre petite embarcation s'engage en direction du Sud. Nous dépassons Port-Dragon et ses entrepôts en bois, ses hautes cheminées où brûle habituellement l'huile de baleine et surtout ses tavernes malfamées. Un conseil : évitez ce quartier une fois la nuit tombée.

Nous approchons du ponton, au loin les hommes du guet patrouillent. Le Guet est le poing armé de la cité. Sous les ordres d'Apia Castelano, une demi-elfe dont la crinière grise traduit les années, il assure la protection des habitants et maintient l'ordre. Fort-Argent, leur bastion, les forme, les nourrit et les loge. On raconte que la nuit, les cris des prisonniers résonnent dans leurs oubliettes.

Asha jette un œil derrière elle, elle contemple Rive-Droite. Le plus grand arrondissement de la ville. Il semble tristement calme. C'est un endroit normalement bruyant qui résonne des coups de marteau des forgerons, des cris des marchands, du son des scieries. La Place des Trois-Courants a l'air déserte. Je me demande ce que fait la Confrérie des Façonniers.

Pour terminer ce tour d'horizon de la cité, il me paraît important de ne pas oublier les faubourgs de Pointe-Vive, la Glèbe et le Flot. Le premier est placé sous le signe de la musique, la geste des troubadours y chante et les aventuriers s'entassent dans les tavernes à la recherche de gloire et de fortune. Le second, la Glèbe, est surveillé par l'œil inquisiteur de la Maison du Blé, c'est un hameau de paysans, champ nourricier de la cité. Enfin, le dernier, construit sur pilotis autour du fleuve, est le lieu de repos des bateliers, dont le monopole est tenu par les petites gens.

Un lamaneur à la peau tannée nous amarre le long d'un ponton branlant. Une fois à terre, il nous invite à nous déclarer à la capitainerie. Facette, déguisé en marin, s'écarte pour vérifier l'absence de filature. Trogne échange quelques écus d'or et des instructions avec Banni : « Trouve un navire qui repart à Saint-Pancrace et raccompagne le gamin avec toi », glisse-t-il en désignant Tom. Au bout du quai, l'allure fière, un masque elfique ouvragé sur le visage, se tient le capitaine. Il a aperçu notre pavillon. Il s'avance vers nous, l'air sombre. Sur ses talons, un immense demi-ogre au teint grisâtre et à l'œil jaune le suit.

« Camarades ! Je suis ravi de vous retrouver ! L'heure est grave ! Nous devons discuter au plus vite ! » Sombrelune pointe le géant d'un air interrogatif. « Il s'agit de Fosso, un demi-ogre que nous avons rencontré avec Mirum à notre arrivée, une recrue potentielle. » Le molosse ébauche un sourire dans une moue. « Ravi de faire votre connaissance », lâche-t-il d'une voix caverneuse en se grattant l'entrejambe. « Je suis Fosso, pour vous servir. » Le demi-ogre récupère le chargement du bateau sur ses épaules et nous prenons la direction de la capitainerie.

Après nous être enregistrés auprès d'un scribe à la mine austère, le Capitaine Zarel nous conduit dans un dédale de petites ruelles pavées. Il semble préoccupé. Au fond d'une courette, une porte cochère débouche sur une masure en pierre. Mirum, l'illusionniste, nous y attend, un plan de la ville étalé devant lui. Facette se glisse derrière nous, aussi agile qu'une panthère ; personne ne nous a suivis. « Notre commanditaire va arriver d'une minute à l'autre. La mission est dangereuse, les coffres sont vides et la population est en danger, je l'ai donc acceptée. J'espère que le jeu en vaut la chandelle », ajoute Zarel. En patientant, nous échangeons quelques banalités, des retrouvailles dans le style Perce-Nuit : opérationnelles.

Maître Vaire Corbi fait son entrée. C'est un homme d'un âge avancé, une couronne de cheveux gris sur le crâne, un léger embonpoint. Il porte un pourpoint rehaussé de fil d'argent et un magnifique brocart aux couleurs de la corporation des Lamaneurs autour du cou. Ce qui attire l'attention, c'est son œil gauche, voilé et rouge, lui conférant un air inquiétant. C'est un riche armateur qui administre le port de l'Arsenal pour le compte des Lamaneurs.

« Compagnie Perce-Nuit, c'est un honneur de vous rencontrer ! Votre réputation vous précède ! Si je vous ai fait mander, c'est pour une mission des plus capitales. Port-Argent est victime d'une terrible affliction, paralysant le commerce et décimant notre peuple. La Fièvre Rouge, comme la nomment mes concitoyens, ravage les quartiers nord. Il y a quinze jours, le Guet a décidé d'une quarantaine pour endiguer l'épidémie. Le conseil municipal ne parvient pas à se décider. La famine menace une partie de la ville. Les tensions montent. Il faut régler au plus vite cette affaire. Enquêtez, trouvez l'origine de ce mal et un remède, et chacun d'entre vous aura son poids en or. »

Nous comprenons vite que ce n'est pas par pure bonté d'âme que le négociant souhaite notre intervention. L'économie est à l'arrêt, ses intérêts sont menacés. Nous sommes un investissement : résoudre cette crise sauverait le commerce et lui attirerait certainement les faveurs du conseil municipal. Le pouvoir et l'or.

Banni et Facette, pragmatiques, interrogent le marchand sur l'épidémie, mais Sombrelune les interrompt rapidement : « Et notre compagnon Steppe, où est-il passé ? » D'une voix suave, l'armateur répond : « Un charmant camarade que ce demi-orc. Sans lui, je n'aurais jamais fait votre rencontre ! Lorsqu'il est venu me trouver pour ouvrir un comptoir à l'Arsenal, j'ai tout de suite vu son potentiel. Mais à peine avions-nous convenu qu'il écrive à votre capitaine pour discuter de ce contrat qu'il décida, sans doute pour prendre de l'avance, d'aller enquêter lui-même dans la zone de quarantaine ! Depuis, je n'ai plus de nouvelles. »

L'entrevue est riche en informations. Nous apprenons que la fièvre rouge frappe la cité depuis moins d'un mois. Dans sa piété, le clergé des Immortels a envoyé des sentinelles ouvrir un dispensaire dans les quartiers contaminés. Le temps semble compté, le capitaine propose de profiter de la fin de la journée pour se rendre au presbytère du quartier de l'Or et en apprendre davantage. Mirum et Fosso continuent d'installer nos affaires dans la maisonnée et Facette préfère flâner de son côté.

Sur le chemin, le spadassin propose d'honorer la promesse qu'il avait faite. À Fort-Sanglot, la place forte de notre compagnie, lorsque nous avions investi les lieux, nous avions découvert un étrange corbeau à la voix éraillée. Il s'agissait en réalité d'un malheureux marchand métamorphosé en corvidé par l'ancien propriétaire du bastion. Banni, en discutant avec l'oiseau malchanceux, avait retrouvé son origine et avait écrit à sa famille, les Di Votto, de riches tisserands. Leur petit palais se trouve dans le quartier de Rive-Gauche.

L'accueil est assez comique, le rôdeur essaie maladroitement d'expliquer le motif de notre visite : « Alors... euh, nous vous ramenons un membre de votre famille mais c'est un corbeau... » Sans la lettre de Banni, la situation aurait probablement dérapé. Mais la famille nous remercie chaleureusement. Si d'aventure nous trouvons un moyen d'inverser la malédiction, nous reviendrons. Les Di Votto sont influents, c'est bien de les avoir dans notre poche.

Nous parvenons finalement à l'immense cathédrale. D'immenses arcs-boutants maintiennent la nef. La flèche s'élève vers le ciel, recouverte de feuille d'or. Des sentinelles en cotte de mailles patrouillent dans les rues, une triquetra dorée autour du cou. Ashva connaît ces rues, elle nous entraîne dans le presbytère. En traversant le cloître, une voix l'interpelle : « Cousine ! Quel bon vent t'amène ici ? Tu choisis ton moment pour refaire surface. » La naine fait volte-face, au loin un jeune homme en robe de bure lui fait signe. « Melvin ! » rugit la cleresse. À défaut d'avoir du sang en commun, les deux adeptes semblent plutôt bien se connaître. L'acolyte nous informe que la mère supérieure Merey en charge des questions d'hygiène et de santé peut répondre à nos interrogations.

Au bout d'un long couloir en pierre percé de fenêtres à meneaux se trouve ainsi le bureau de la vicaire. Lorgnettes sur le bout du nez, la femme d'église est plongée dans la lecture d'un grimoire. Elle est ravie d'apprendre qu'une équipe se décide enfin à enquêter. « Quand l'épidémie a éclaté, j'ai envoyé Frère Aubin ouvrir un dispensaire dans le quartier du Prestige. Peu se porte volontaire pour soigner les malades depuis que la quarantaine a été décidée. Heureusement, je reçois encore les noms des défunts afin que nous priions pour le salut de leurs âmes ! » ajoute-t-elle en désignant les registres alignés devant elle. Le capitaine, Ashva et Banni deviennent livides, ils sont originaires de la cité et s'empressent de les consulter. Aucun nom familier n'y figure, c'est un soulagement.

La nuit tombe lorsque nous rentrons dans notre « quartier général ». Le capitaine nous offre la soirée, demain à l'aube nous rejoindrons la rive nord et le dispensaire pour débuter nos investigations. Ashva se prépare à sortir rejoindre Melvin quand Facette intervient : « Capitaine, j'ai une requête. Vous vous souvenez du jeune Tom, je souhaite le prendre comme apprenti, non pas pour en faire un assassin mais plutôt un espion. Personne ne se méfiera d'un gamin de douze ans. » L'enfant surgit de derrière une tenture. Sombrelune agacé quitte la pièce. Banni regarde son petit écuyer : « Tom, je pensais que tu te destinais à la voie de l'épée. » Le gringalet, soutenant son regard, rétorque : « Vous vouliez me renvoyer au fort, monsieur Facette me propose de rester, la compagnie c'est ma famille ! » Le visage du guerrier se ferme de déception. « L'obéissance est une valeur fondamentale. » Le capitaine conclut le débat, il connaît la valeur de l'information. Si Tom maintient son désir de servir la compagnie et Facette, alors il pourra débuter sa formation ; en attendant, il restera au quartier général pour comprendre comment la compagnie fonctionne en mission.

Peu avant l'aube, le capitaine convoque ceux qui ont prêté serment : Sombrelune, Banni, Facette et moi-même nous nous retrouvons face à face. Une bougie éclaire la pièce. Le capitaine s'explique : « Je pense qu'il est temps qu'Ashva prête serment. Elle a hiverné avec nous et a prouvé sa valeur lors de l'expédition dans les pyramides. » Nous acquiesçons. Le rôdeur propose de réaliser la cérémonie sur le pont, à la vue de tous, une manière de rappeler à la populace qui sont les Perce-Nuit.

​Nous partons en rang vers le pont de Grande-Arche. Mirum, Tom et Fosso restent dans la maisonnée pour assurer nos arrières et le ravitaillement. Le pont est bloqué par un petit contingent du Guet. Les miliciens sont en cuirasse et chausses rayées, un large béret rouge enfoncé sur le crâne. Les hallebardes luisent au soleil. Lorsque nous demandons à franchir le fleuve, leurs yeux s'ouvrent grands. À plusieurs reprises l'officier nous rappelle qu'il sera impossible de revenir. Ils nous rient au nez, mais finissent par nous laisser franchir la barricade. Ce sont des soudards, ils croient qu'obéir aveuglément fait d'eux des soldats, mais ils ne connaissent pas la discipline des Perce-Nuit.

​Au milieu du pont, notre cortège s'arrête. Le spadassin déroule notre étendard. Quelques badauds se pressent sur les quais de la rive sud. Le capitaine se tourne vers la cleresse, lui pose une main sur l'épaule. Elle se met à genoux face au drapeau : « Ashva, au nom des Perce-Nuit je te demande de prêter serment, de jurer de servir cet étendard, de rester loyale envers tes compagnons et de mener à bien tes missions. » La naine clame haut et fort son serment. « Relève-toi et sois désormais connue sous le nom de Vaillance ! » Au loin, quelques enfants applaudissent, cela a eu l'effet escompté.

​Nous reprenons notre traversée. La Rive-Nord est un dédale de ruelles sinueuses. L'ambiance est lourde, les portes des masures sont fermées, certaines ont des planches clouées aux fenêtres. Le silence règne. Il n'y a âme qui vive. Une carriole tirée par un âne passe devant nous, un homme au visage couvert par une écharpe le tient par la bride. La charrette est remplie de cadavres à la peau rougeâtre.

Nous parvenons néanmoins rapidement à la Place des Trois-Courants, l'immense place du marché du quartier de Rive-Droite. Aucune étal n'est installée, les arcades qui bordent la place sont vides, il ne reste que l'imposant puits emblématique au centre.
​Facette commente : « Hier, j'ai entendu dire que l'eau est contaminée, une piste à creuser ? » Sombrelune s'approche du puits, il lance un seau et remonte l'eau ; comme de l'huile, une substance verdâtre surnage, il en prélève quelques gouttes. Facette examine les parois en pierre, il y a des traces d'escalade, intéressant. De son côté Vaillance hèle un passant, elle l'interroge sur le puits. L'homme admet avoir noté un événement inhabituel il y a une vingtaine de jours : un petit groupe est venu nettoyer le puits, ce qui est rare, mais surtout, le chef des opérations portait un étrange gant en cuir à la main gauche d'où semblait dépasser quelques écailles. « Il y a de la magie noire là-dessous », siffle Banni.
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Chapitre 3 : De mal en pis ! ACTUAL-PLAY

Vaillance s'avance d'un pas assuré. Elle trace un cercle d'une toise de large à la craie et commence à implorer les Immortels. Une légère brume s'échappe du sol, une odeur de seigle et de blé flotte dans l'air. Au centre du cercle se forme progressivement du pain, des fruits, des céréales : les dieux ont intercédé. Sombrelune et Banni se placent de part et d'autre de la clerc, protecteurs. Une émeute peut vite éclater dans une cité touchée par la famine. Soudain, un sifflement, le signe d'alerte de Facette. Un groupe à l'allure patibulaire écarte la foule massée devant la Corne d'abondance. Le spadassin s'interpose, la main posée sur la garde de son épée.

"Nous sommes la bande à Furi, c'est nous qui gérons le rationnement ici." Vaillance négocie, ce qui apaise les tensions. Les malabars s'insurgent contre la gestion catastrophique de l'épidémie et la faim qui règne dans les quartiers contaminés. Sous la houlette d'un certain Furi, ils s'organisent pour subvenir aux besoins des habitants. C'est louche. Ils acceptent néanmoins notre proposition de rencontre avec leur chef et reviendront vers nous.

Sombrelune reste préoccupé par notre ami Steppe. Il interroge quelques gros bras : un demi-orc, ça ne passe pas inaperçu. La dernière fois qu'ils l'ont aperçu, c'était dans le quartier de Port-Dragon. Une piste.

Guidés par l'assassin grimé en vieillard, nous rejoignons le quartier du Prestige. Les rues sont désertes, sales et silencieuses. Niché dans un parc s'est monté le dispensaire, une succession de tentes en toiles cirées au milieu desquelles s'agitent des novices en robes de bure. Le chef d'orchestre de cet étrange ballet est un homme âgé portant la tonsure. "Frère Aubin", interpelle la naine. Le moine se retourne : "Qui le demande ?". Une discussion se met en place entre le capitaine et le guérisseur, ravi d'apprendre qu'un groupe souhaite enquêter sur la maladie.

L'homme de foi, en nous faisant visiter le campement, nous explique que le "mal rouge" évolue en quatre phases distinctes : d'abord une fièvre dévorante, puis une toux sanglante, suivies d'une desquamation de la peau laissant l'épiderme à vif et enfin un délire. Certains patients survivent et retrouvent en partie la raison, d'autres sombrent dans la folie et l'agressivité : les Écorchés. La lumière du soleil les brûle et ils ne sortent que la nuit. Banni questionne l'érudit sur les premiers cas : quelques cas sporadiques ont émergé au Prestige, puis il y a eu une explosion des contaminations au sud de Port-Dragon, la maladie s'est alors propagée plus rapidement, gagnant Rive-droite.

C'est le premier malade qui intéresse le mercenaire. Le registre de la Mère Supérieure Merey notait le nom d'Herbae.

Archibald Herbae est encore en vie, installé à même le sol sur une civière de fortune. La maladie a volé sa raison. Choisissant ses mots avec tact, le capitaine l'interroge. Le discours du pauvre homme est décousu, difficile à suivre et circonlocutoire. Il répète sans cesse : "Je l'ai puni car il est rentré tard." Malgré tout, nous obtenons quelques précieuses informations : c'est son fils Gort qui semble être à la source de la contamination du quartier. Il est revenu étrange après une partie de cache-cache et, au matin, il était mort. Avant de suivre cette piste, je m'essaie à une petite expérience : si cette maladie était en réalité un poison ? Après avoir trouvé un malade fiévreux, je puise dans les forces des Immortels pour retarder l'effet, comme on aspirerait le venin d'une plaie. L'avenir me dira si cela a aidé le pauvre homme.

L'échoppe des Herbae a été pillée. Rien d'intéressant, si ce n'est des gamins qui jouent dans les ruelles sombres. Banni interpelle un garçonnet : "Dis-moi, tu connais Gort ?" L'enfant, tout en jouant au chevalier, nous narre sa dernière partie de cache-cache avec le fils d'Archibald : "Et là, il est allé dans la maison en ruine et il a disparu !" Le môme nous y conduit, une vieille bâtisse en pierre sans étage, des planches aux fenêtres, délabrée. Agacé par les jérémiades du petit, Zarel demande à Facette de le faire déguerpir. Je pense qu'il se souviendra de la compagnie Perce-Nuit.

J'allume ma lanterne. La double porte s'ouvre sur un long couloir au fond duquel un escalier descend vers une cave. À droite et à gauche, deux portes conduisent à une salle à manger en ruine et une cuisine curieusement parfaitement propre. Une seconde porte dans la salle à manger donne sur une chambre désordonnée, où s'accumulent plusieurs cirés de marin. Dans la cuisine, une troisième porte attire notre attention. L'assassin l'étudie attentivement, rien de particulier. Il tourne doucement la poignée. Soudain, deux créatures à la peau rouge cicatrisée surgissent en hurlant. Leurs yeux injectés de sang luisent dans le noir. La première se jette sur le demi-elfe, lui entaillant profondément l'épaule. Sombrelune interpose sa rondache. Le sorcier lance un projectile magique qui vient percuter le thorax d'un des deux Écorchés, le faisant reculer dans ce qui semble être un bureau. Banni charge en hurlant, tranchant en deux de sa lame magique la créature blessée, et le rôdeur égorge la seconde d'un coup d'épée bien placé.

Le calme revient. Vaillance la naine examine la plaie : "Elle n'est pas belle, elle suppure, il faudrait la montrer à Aubin." Les soins magiques apparaissent inefficaces. La tension monte, mais l'assassin reste de marbre. Dans le bureau, nous trouvons une carte de la ville, une croix rouge indique Port-Dragon. Le capitaine note la présence d'écailles noires au sol, l'homme au gant de cuir refait surface dans notre mémoire.

On se risque finalement à la cave. Le petit colimaçon débouche sur un cellier en terre battue. Au centre de la pièce voûtée, une chaise avec des lanières de cuir et des traces de lutte. La clerc remarque une seringue en métal remplie de la même substance que Sombrelune a repêchée dans le puits. Est-ce le poison que Gort a reçu ?

Le temps presse. Nous filons au dispensaire. Frère Aubin nous reçoit une nouvelle fois. Pour lui, pas de doute, une telle blessure signe l'infection par la maladie. Après négociation, il propose de retarder les symptômes par une prière aux Immortels, mais en échange il nous demande de déloger les mages qui se sont retranchés dans leurs tours pour qu'ils étudient la substance maléfique. Adjugé, ce sera le Magistère.

Quant à ma petite expérience ? Un échec apparemment, mon malade a développé de nouveaux symptômes. Ce n'est donc pas un venin.

La Tour du Voile se dresse au centre du quartier du Prestige. Elle s'élève sur plusieurs centaines de pieds de haut. Construite en pierre blanche, de nombreux rajouts et autres tourelles ornent son impressionnante façade. La légende raconte que seuls les initiés peuvent ouvrir sa porte : une large stèle en pierre décorée de runes antiques. Le capitaine Zarel est un sorcier, il évoque peu son passé. Ses mains s'agitent nerveusement à mesure que nous approchons du portique, et pour cause : il connaît le rituel pour déverrouiller l'accès. C'est un ancien du Magistère.

Ses doigts tracent d'étranges symboles sur la surface rugueuse. Des points lumineux s'allument comme une constellation. La roche glisse, découvrant un escalier. "Voilà des décennies que je ne suis venu ici," lâche notre chef. Nous parvenons dans une immense salle ronde soutenue par huit piliers monumentaux. L'espace d'un instant, des centaines de runes bleuâtres clignotent sur les murs. "La salle des signatures," ajoute le capitaine. Le silence et l'obscurité retombent. Je rajoute de l'huile dans ma lampe.

Deux portes. Au nord un écriteau indique "SALLE COMMUNE", au sud "CONCIERGERIE". L'étage semble vide, étrange. "Allons voir le concierge," suggère le sorcier. Nous lui emboîtons le pas. La porte donne sur une bibliothèque. Des centaines de livres sont éparpillés au sol. Au fond, un cadavre gît dans une flaque de sang. "Butler !" crie Zarel, se précipitant vers le corps du vieil homme. Brutalement, les grimoires se soulèvent et se propulsent vers le sorcier. Un vieux tome le frappe en plein plexus, lui coupant le souffle. Banni sonne la retraite. Sombrelune et Vaillance couvrent la fuite du capitaine. "File ton rhum, guerrier," ordonne Facette, déchirant un pan de sa chemise. Une flasque enflammée passe au-dessus de nos têtes et se brise dans la bibliothèque alors que nous condamnons l'accès. "Merveilleux, nous brûlons les ouvrages du Magistère ! J'espère qu'ils accepteront de nous parler après cela !" ironise Zarel.

Quelle magie noire règne ici ? Peut-être aurons-nous plus de chance au nord. L'assassin, précautionneux cette fois-ci, colle son oreille contre le panneau de bois. "J'entends des bruits de grattement, ça ressemble aux engeances de la dernière fois." Sombrelune opte pour la méthode forte : un coup de pied, la porte vole en éclats... Derrière, dix paires d'yeux rouges brillent dans l'obscurité... Et merde !
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Chapitre 4 : Les écorchés
ACTUAL-PLAY Banni, le guerrier de Port-Argent, et Vaillance, la cleresse, bouclier contre bouclier, barrent le couloir. Derrière ce premier rempart, nous nous mettons en position.

Une étrange litanie s'élève des profondeurs obscures de la salle, les ombres s'agitent dans la lumière jaunâtre de la lanterne. Soudain, des crépitements emplissent l'espace, de puissantes étincelles colorées jaillissent des ténèbres. Deux jets de lumière viennent percuter le spadassin et la naine. « Ils lancent des maléfices, » gémit Vaillance. Une lueur vive s'élève dans la voûte de la pièce, éclairant brièvement les opposants. Les créatures s'élancent en vociférant.

L'une d'elles est fauchée dans sa course par une flèche de Sombrelune. Le capitaine Zarel ordonne : « Gardez les positions. » Ses mains décrivent des gestes amples, ses doigts s'agitent, puis il ajoute en gonflant les joues : « Foetida fumus. » Une fumerole verte s'échappe de son gosier, traversant nos rangs. J'ai un haut-le-cœur. Un épais nuage nauséabond se répand alors dans le réfectoire, s'arrêtant juste devant nous. Asphyxiées, les yeux révulsés, les créatures prises au piège dans l'exhalation magique s'étranglent.

En réponse, une clameur retentit sur notre droite. Nouvelle incantation. Une poudre floconneuse est soufflée dans notre direction. Banni et Vaillance s'effondrent, inconscients. « Un sortilège de sommeil ! » éructe le rôdeur, se couvrant la bouche de son écharpe. J'en profite pour invoquer la puissance des Immortels : une force spirituelle encercle l'arcaniste corrompu, le forçant au repli.

La vapeur commence à se dissiper. Sombrelune décoche au jugé quelques traits, obtenant des supplications rauques en retour lorsqu'il fait mouche. Facette, le demi-elfe, se faufile ; de sa dague il pique les endormis, les extirpant de leur torpeur.

« Nous allons les acculer dans le couloir, » annonce le sorcier. Une retraite stratégique s'impose. Pas à pas, nous reculons pour attirer les monstres dans l'étroit corridor. L'archer continue de larder nos adversaires de projectiles. Plusieurs écorchés jonchent déjà le sol en pierre de la salle, mais les autres semblent avoir repris leurs esprits et se préparent à charger. Vaillance arme son arbalète à croc.

Griffes dehors, les pustuleux se précipitent vers nous. L'assassin en profite pour renverser un sac de billes de plomb dans la coursive. Les sphères huilées roulent sur le sol irrégulier, faisant glisser certaines horreurs. Une corde claque, un carreau crible l'un des assaillants. Deux autres fondent sur notre première ligne. Ashva assomme un monstre d'un coup de crosse de son arbalète, mais Banni écope d'une blessure à l'épaule. Dans un râle, le reître se fend, transperçant de part en part son adversaire. Les monstruosités commencent à prendre peur ; elles refluent vers la salle commune.

« Sus à l'ennemi ! » hurle le capitaine, « percussa vis. » Une étincelle bleutée part de son index et étourdit un écorché. Vaillance tend son poing vers le ciel, sa paume se charge d'une vigueur divine qu'elle projette vers une des créatures qui s'effondre. Nous déboulons dans la large pièce. Trois créatures sont encore debout, acculées.

Facette, arc court à la main, bondit dans une curieuse acrobatie ; sa réception imparfaite lui fait perdre l'équilibre, il chute. L'un des écorchés plonge sur lui, déchirant sa cotte de cuir. Une autre surgit sur la gauche du spadassin ; il pare habilement l'attaque et riposte avec élégance, la lame traverse le poumon du maudit. Étrangement, le souffle expiré semble aspiré par l'épée, le bras de Banni se raidit comme gonflé d'une sombre énergie. La dernière créature surprend Sombrelune ; il a tout juste le temps de lâcher son arc et de saisir son épée d'argent. Il repousse le premier assaut, dégaine son poignard dans la main gauche. Sa main faible trouve une faille dans la défense de son adversaire, qui s'effondre.

Je cours vers Facette. L'assassin a plus d'un tour dans son sac : d'un coup de botte, il entraîne au sol la créature qui l'agresse. J'ai une ouverture. Dans un craquement sinistre, mon marteau s'enfonce alors dans le crâne du monstre. Le silence retombe, interrompu uniquement par les respirations saccadées de la compagnie.

Sombrelune récupère quelques flèches et fouille les corps sans vie. Il tend un parchemin magique au capitaine, dont le regard semble trouble. Zarel est ailleurs ; à leur robe bleu-gris et leurs masques bicolores, l'elfe constate que les écorchés étaient autrefois des novices du Magistère. Des souvenirs de ses années d'apprentissage lui reviennent. Ashva examine les blessures de ses camarades : celle du guerrier de Port-Argent apparaît saine, Facette lui souffre et frissonne par moments. Je le réchauffe par une prière aux Immortels.

À l'est, une porte gravée de runes est fermée. « La clef doit être chez le concierge, » ironise Banni en toisant Facette. « Ce n’était pas la meilleure idée que celle du feu, » admet alors l'assassin. Nous rebroussons chemin. La porte de la bibliothèque laisse échapper une fumée noire. Le rôdeur se propose d'aller chercher la clef ; il s'encorde et asperge ses vêtements et son écharpe avec l'eau de son outre. Il pousse doucement le battant. De l'autre côté, la bibliothèque s'est transformée en fournaise, une épaisse fumée masque la vue.

Le rôdeur tousse à travers le tissu humide ; il s'avance prudemment vers la porte de la conciergerie, qui est fermée. Tout à coup, plusieurs tisons enflammés lévitent et filent vers l'homme des bois. Sombrelune esquive les braises et enfonce la porte d'un coup d'épaule. La conciergerie est plongée dans l'obscurité, les flammes orangées dans son dos illuminent faiblement la petite pièce ronde. Trois silhouettes sont recroquevillées derrière le bureau du concierge. L'archer pose la main sur la garde de son épée. « Nous sommes des novices ! » souffle une voix. Les flammes commencent à lécher les bottes du mercenaire. « Hâtez-vous, le temps presse ! Je suis de la compagnie Perce-Nuit, attrapez les clefs du concierge et suivez-moi ! » « Et l'esprit frappeur ? » rétorque une voix féminine. C'est donc cela : j'avais lu qu'une mort violente pouvait pétrir l'âme d'un individu en une entité maléfique. Pauvre concierge.

Sombrelune attrape les trois geignards et plonge, rondache en avant, dans l'incendie. Deux brûlots s'écrasent sur le bouclier, un troisième dévié par la tranche de l'écu percute le crâne d'un traînard. « Fuyez ! » hurle Sombrelune. Il hisse l’inconscient sur son dos et court vers la sortie.

Une fois à l'abri, les trois novices nous révèlent les découvertes du Magistère. Selon les jeunes érudits, la maladie touche les individus selon leur affinité à l'éther. Plus elle est intense, plus la malédiction frappe. C'est la raison pour laquelle les sorciers se sont cloîtrés dans leur tour. Malheureusement, un apprenti portait déjà le mal en lui ; les mandarins se sont retirés dans les étages supérieurs et le chaos s'est emparé du rez-de-chaussée.

Avec la clef, nous déverrouillons la porte runique. Derrière, un simple vestibule donne sur une rangée d'escaliers. Un pentacle tracé à la craie rouge condamne l'accès aux marches ; un novice carbonisé gît en travers. « Un piège à feu, » suggère notre magot. Nous reculons dans le réfectoire. Banni lance une chaise dans l'espoir de déclencher le cercle. Une explosion retentit, mais la voie est désormais libre. Plus haut, une lourde porte en métal ferme le colimaçon. Facette examine le portique, un judas s'ouvre, un gnome avec un masque de soie observe. « Qui va là ? » lâche d'une voix nasillarde le petit mage. Le capitaine reconnaît la parure de Gontran, l'un des professeurs de l'académie. « C'est Zarathoustra, » répond notre capitaine. Le nabot reste abasourdi ; une seconde voix commente : « Zarathoustra, ce sale voleur ! » Le capitaine reste calme, il explique avec tact qu'il a conscience des erreurs du passé mais qu'aujourd'hui, il est venu enquêter avec la compagnie Perce-Nuit sur le mal qui ronge la cité de Port-Argent et qu'il a besoin de la sagesse du Magistère. La flatterie fait mouche : les thaumaturges acceptent une entrevue, plus bas dans le réfectoire.

Plusieurs magiciens nous rejoignent dans la salle ensanglantée et en désordre. Leurs tenues sont bigarrées : pourpoint rehaussé de fil d'argent, costume d'arlequin, robes noires et sans reflets. Le plus impressionnant, ce sont les masques : certains sont en or, d'autres en bois peint ou en tissu finement travaillé. Les premiers agitent les mains : « invisibilia servus. » Des balais s'agitent, des serpillères épongent le sol, les chaises sont alignées. En une dizaine de minutes, l'étrange ballet cesse, laissant une pièce immaculée.

Autour de la table nouvellement dressée, les magiciens sont interrogatifs. Le capitaine décrit l'enquête que nous menons jusqu'alors. Sombrelune et Ashva présentent la substance prélevée dans le puits et dans la maison en ruine. Un sorcier aux allures d'alchimiste, dont le masque évoque une cheminée insolite, l'examine. « Nous avons conscience du danger auquel sont exposés les arcanistes, mais sans votre expertise, nous ne trouverons pas de remède. » Sous leurs airs hautains, les sorciers semblent néanmoins concernés. D'une voix métallique, l'alchimiste conclut : « Sous sept jours, je pourrai avoir une idée plus précise du composé. » Facette, dont le temps est compté, s'agace et se lève. Il jette ses couteaux contre l'armoire sous le regard désapprobateur des érudits.

« Sept jours, c'est une éternité ! Mais soit ! Je regrette de ne pas avoir eu le plaisir d'apercevoir mon père. Il ne lui sied pas de saluer son fils ? » surenchérit Zarathoustra. Les magiciens s'échangent une œillade, derrière les masques les visages s'assombrissent. « Votre père a contracté la maladie. Nous avons été contraints de le confiner dans ses appartements. Imaginez la panique, le désastre et la destruction si un archimage de notre ordre, ayant perdu la raison, déambulait dans les rues de la cité ! » rétorque le gnome. Après la bataille contre les novices infectés, le capitaine conçoit parfaitement la menace que représente un sorcier émérite pris de folie dans la ville. L'elfe se lève, impassible : « L'avenir est entre vos mains. »

Notre enquête n'est pas terminée. Les pièces du puzzle continuent à s'organiser. Avant de rejoindre Port-Dragon pour suivre la piste de la carte et des cirés de marin, nous faisons un détour par le dispensaire. Frère Aubin nous y attend. Facette, grimé en vieillard, grelotte. Notre rapport effectué, l'homme de foi accepte d'implorer l'aide des Immortels pour protéger notre compagnon.

Facette, est installé sur un autel de bois au centre d'une large tente ronde. Nous suivons le prêtre avec Vaillance pour la messe de guérison. Le prêtre commence son oraison ; mains dans la main, nous communions pour lui transmettre notre puissance. Une lueur mordorée se dépose sur les plaies du roublard qui doucement se referment. La cicatrisation est imparfaite. Aubin se penche sur le demi-elfe : « J'aurais aimé vous aider plus, mais les Immortels ne semblent pas avoir eu beaucoup de compassion à votre égard. Vous ne devez pas être en odeur de sainteté, mais vous avez gagné quelques jours. » L'assassin répond par un clin d'œil.

Avant de partir, le curé examine les plaies de Banni ; il se veut rassurant. Nous le remercions chaleureusement et prenons la direction des quais. « C'est là qu'a été vu pour la dernière fois Steppe, » lance Sombrelune. « Hâtons-nous ! »
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Chapitre 5 : La Dame Sombre

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Devant nous s'étend le quartier de Port-Dragon, une enfilade de ruelles tortueuses et de bâtisses contrefaites en bois flottés, surmontées de toits de chaume. Le capitaine Zarel et Facette semblent distraits, les récents événements les affectent. Les rues sont moins désertes que dans le Prestige, mais les badauds nous observent d'un œil méfiant. « Surveillez vos bourses », chuchote l'assassin grimé en vieillard.

Le jeune Sombrelune, le rôdeur, furète. Son regard accroche une large carrure à la carnation verte. Il se précipite et pose sa main sur l'épaule du demi-orc. Déception : ce n'est pas Steppe. Dans les contrées épargnées par la brume, les hommes représentent neuf dixièmes de la population. Les royaumes elfes et nains se sont effondrés dans le chaos et le brouillard, et il ne subsiste aujourd'hui que les quelques chanceux qui avaient immigré avant la catastrophe. Les petites-gens et les gnomes ont toujours vécu en petites communautés discrètes. Quant aux demi-orcs et demi-ogres, ils sont rarement le fruit d'un véritable amour et vivent donc souvent en marge de la société.

« Bonjour mon brave, je cherche un camarade à la peau-verte, peut-être l'avez-vous vu passer ? », se permet le rôdeur. Le groin du sang-mêlé se contracte : « Pensez-vous que je connais tout ceux de ma race ? » Facette lui jette un écu d'or pour lui rafraîchir la mémoire. « C'est drôle, vous n'êtes pas les premiers à chercher un 'vert' ! Furi et ses amis posaient aussi des questions sur un type avec un serpent sur l'épaule. La dernière fois que je l'ai vu, il fouillait une vieille épave qui coule doucement dans le port, la 'Dame Sombre' », lâche-t-il en s'éloignant, ballot sous le bras.

Le guerrier Banni propose de passer d'abord par la capitainerie pour consulter les registres. Les quais de Port-Dragon sont impressionnants, mais vides. Un brigantin, un cotre et ce qui semble être la Dame Sombre sont à quai, mais ce qui attire notre attention, ce sont deux énormes diplodocus enchaînés près des entrepôts. Les sauropodes, précise le spadassin, sont dressés pour décharger les navires marchands. La capitainerie est également le chef-lieu de la corporation des lamaneurs. À Port-Argent, chaque guilde administre un quartier. De longs étendards azur et or sont suspendus à la façade, dont les fondations sont en pierre.
Nous sommes accueillis par un scribe affable. Il répond peu à nos questions et reste évasif. Il ne trouve pas de trace de la Dame Sombre dans ses registres. Facette insiste, le spadassin évoque Vaire Corbi, notre commanditaire. Le greffier reste de marbre, un sourcil se lève : « Sans mandat officiel du conseil municipal, je ne peux pas vous laissez accéder à nos archives. Revenez demain, et je vous dirai si mes recherches sur ce navire ont abouti. »

La Dame Sombre gîte sous la brise portuaire ; c'est un vieux galion en mauvais état. Sa proue commence doucement à s'enfoncer dans le bassin. Nous abordons le pont sur nos gardes. Une large trappe donne vers la cale, à demi remplie d'eau de mer. L'assassin propose d'explorer le château arrière. Un minuscule couloir dessert plusieurs cabines. L'une d'elles est ouverte, sens dessus dessous, avec une accumulation de babioles inutiles. Les autres sont fermées.
La cale est en partie immergée ; des tonneaux de provisions plus ou moins frelatées flottent. Facette parvient à crocheter la porte de la cambuse, une pièce sombre où est installée une longue table. Elle est couverte de cartes marines. Le capitaine inspecte les documents : « Ce bateau semble avoir fait route depuis Fort-Levant. »

Fort-Levant est une imposante forteresse érigée sur une presqu’île stratégique, à quelques jours de marche de Port-Argent. Construite durant l’Âge d’Or par la glorieuse civilisation des Chevaucheurs de Dragons, elle servait de bastion défensif. Depuis la montée en puissance de la République de l’Enclave, elle est abandonnée. La légende raconte qu'au début de l’Âge des Brumes, une rosée pourpre s’abattit sur la forteresse, imprégnant ses murs de mort et anéantissant la garnison.
Les serrures des autres cabines sont trop abîmées par le sel pour être forcées. Sombrelune dégaine un pied de biche. La seconde cabine est en ordre ; un coffre en bois est installé au pied d'une couchette. À l'intérieur : un livre de prières en ombrelangue et un collier en forme d' Ouroboros. Le Noirsceau, encore eux ! Dans nos têtes, les indices concordent : seule cette secte qui vénère le parjure peut être à l'origine d'autant de chaos.

Soudain, la porte de la dernière cabine s'ouvre. Un homme difforme, d'une taille exceptionnelle et doté d'un troisième bras disproportionné, s'interpose dans l'encadrement. Le guerrier Banni se jette en avant et le repousse dans la pièce. « Un mutant », souffle Vaillance. Nombreux sont les noms donnés à ceux qui survivent aux brumes : « mutants, maudits, damnés ». Les rescapés de ce brouillard mystérieux subissent d’étranges métamorphoses, ce qui effraie la populace et les isole de la société.

« Pourquoi vous êtes-vous sur le bateau de Glarg ? » Une discussion s'engage avec l'hideux. Glarg est le chef d'un clan de mutants. Les siens vivent dans les égouts, mais une étrange créature tentaculaire y a également élu domicile. Traqués, ils ont trouvé refuge dans l'épave. Le monstre précise, dans un commun haché, que le navire est arrivé il y a un mois et demi, mais qu'il a été rapidement abandonné.

« As-tu aperçu un demi-orc aux longs cheveux ? », l'interroge Sombrelune. « Oui, Glarg passer marché avec peau-verte ! » Le marché en question concerne l'échange du journal de bord que le mutant avait déniché dans la cabine du capitaine, contre la preuve de la mort de la créature des égouts : une piste pour retrouver Steppe. Facette essaie de négocier, mais l'estropié a trop connu la maltraitance et la perfidie pour accorder sa confiance aux hommes. Le marché tient toujours, mais le temps nous presse.
L'elfe lui montre la carte retrouvée dans la masure abandonnée du Prestige. « Glarg voit bien de quelle bâtisse il s'agit. Grosse fumée verte il y a un mois sortir de la cheminée, après gens malade ! » Tiens donc, la substance peut donc être vaporisée dans les airs. La nuit tombe dans deux heures. Avant de réfléchir à la suite de notre plan, nous décidons d'aller fouiller cet entrepôt.

Le large bâtiment en bois comporte un étage. Un appentis avec des portes battantes en bois permet d'accéder à l'intérieur. Il a l'air désert. Une unique cheminée en pierre trône en son centre. Le spadassin s'avance et, lorsqu'il pousse la porte, un claquement sec retentit. Une cordelette cède et une hache d'arme s'abat du plafond. La broigne de Banni empêche la lame de percer son épaule, mais il grogne de douleur. « Je crois que mon épaule est déboîtée », dit-il. La naine s'avance et, d'un coup sec, lui replace l'articulation. Les regards se tournent vers Facette, le maître des pièges, c'est son domaine, mais il a l'air distrait. Le Capitaine suppose que si l'entrée est piégée, c'est que le bâtiment a son importance. On s'engouffre dans le hangar, l'arme au poing.

Le dépôt est composé d'une large salle en terre battue. Au centre, une échelle permet d'accéder à une passerelle, et tout autour, de petites portes en bois ferment des dépôts secondaires. La lueur de ma lanterne n'éclaire pas jusqu'au fond. « Chut », souffle l'assassin. « Masque ta lanterne ! », me lance le demi-elfe. Caché dans l'obscurité, ses yeux d'elfe perçoivent six formes. Il a juste le temps de nous prévenir : un couinement rauque retentit et six boules de fourrure pustuleuses se jettent sur nous !

Le rôdeur, plus rapide, a le temps de décocher une flèche. Le capitaine projette de son index une boule de force lumineuse, et l'une des créatures s'effondre : un rat géant. Banni s'interpose, écu en avant. Sa lame traverse l'épais cuir d'une autre monstruosité qui râle. Une autre se glisse entre nous et mord le bras du capitaine, qui hurle de douleur, la manche de son pourpoint ensanglantée. Facette le tire en arrière. En réponse, le mage incante « Lubrica Uncto », une étrange graisse collante et suintante s'étale sur la moitié de la pièce. Vaillance chante un puissant chant guerrier qui nous ragaillardit : les Immortels sont avec nous.
Les rongeurs s'empêtrent dans la substance visqueuse. Sombrelune les larde de projectiles. Je m'approche de l'une d'elles, elle me saute au visage, griffant mon front. Je ferme les yeux. Quand je les rouvre, Banni lui a tranché une patte et l'achève d'un coup de poignard.

Le silence retombe, mais nous sommes salement amochés...
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