Le Donjon du Dragon

Maintenant, vous connaissez leurs noms...
Le fait que les baatezus soient des lascars cachottiers n'est pas un soltif. Ils possèdent des secrets qui étonneraient même les puissances, et ils font tout leur possible pour les conserver dans le soltif ; mais il arrive parfois qu'un secret leur échappe. Quand cela arrive, ces révélations font le tour du multivers.
Cet article est basé sur le livre Baator de la boite de base Planescape. Il est fortement recommandé de lire ce livre avant le présent texte.

Les Rouleaux de Willgan l'Obstiné

La vie ne m'a pas fait de cadeaux, mais ai-je pour autant renoncé ? Non. Jamais. Et tandis que ces bougres, qui s'donnaient le nom d'érudits, dansaient et riaient avec les Sensats, et passaient de l'autre côté du seuil de la mort, j'ai tenu bon, mes études n'en devenant que plus importantes.
Et maintenant elles ont porté leurs fruits. J'aurais bien pu faire des recherches sur l'ineffable son de la couleur ou sur les mystères voilés sous les formes des Puissances. Mais l'imagination n'a jamais été mon fort. Il y en a pour qui c'est une tare. Moi, j'appelle ça une bénédiction. Car cela signifie que je m'en tiens aux faits et que je ne laisse pas des affabulations délirantes me détourner de la vérité.
Vous me trouvez aigri ? Je suis aigri. J'ai été la risée de tous et on m'a déconsidéré, ma quête jugée vaine, mon cœur désemparé par la futile vérité que je cherchais à dévoiler. C'est trop tard maintenant, car j'ai chipé le vrai soltif sous le nez et à la barbe des baatezus.
Hé !
Je connais le soltif des Seigneurs des Neuf, et ce serait bien le diable si quelqu'un m'empêchait de mener la belle vie à partir de maintenant !

Les Seigneurs des Neuf sont les mystérieux seigneurs de Baator, la Fosse aux Neuf Strates, le Gouffre Puant des plans. Leurs origines se perdent dans la nuit des temps, remontant même apparemment au-delà des souvenirs des Puissances. Ce dont ils sont capables n'a jamais pu être révélé, du moins jusqu'à aujourd'hui.

Ils sont, en un mot, une énigme. A quoi servent-ils ? Sont-ils simplement les gardiens de leur plan, ou bien y jouent-ils un rôle plus actif ? Leur existence est-elle seulement avérée ? Et quelles sont leurs relations avec les habitants de leur plan, du moindre baatezu au plus puissant des dieux ?

Pour comprendre ce que sont les Seigneurs des Neuf, il convient peut-être de résumer précisément ce que l'on raconte sur leurs faits et gestes.

Ce que sont les Seigneurs des Neuf

Bien que certains mettent les Seigneurs des Neuf au rang d'imaginations farfelues engendrées par ceux qui se sont égarés dans les landes dévastées de Baator, la vérité est qu'ils ont donné sa forme actuelle au plan depuis des temps immémoriaux. Il pourrait sembler qu'ils ne soient alors que des forces primordiales, désincarnées et désintéressées, mais ce n'est pas le cas. Ils sont tous particuliers, et ils sont tous animés d'une ambition dévorante pour d'avantage de pouvoir. C'est juste que leurs désirs les ont rendu célèbres au cours des millénaires, par opposition à la misérable longévité des mortels. Les Seigneurs des Neuf préfèrent échafauder leurs plans sur le long terme, mais cela ne les empêche pas d'agir avec promptitude si le besoin s'en fait sentir.

Les Seigneurs sont chacun répartis sur une strate de Baator, leurs seules présences déformant et voilant l'apparence de leurs strates pour devenir plus précisément ce qu'ils incarnent eux-mêmes. Ainsi en est-il de l'Averne, la première strate, une étendue désolée et dévastée, répondant parfaitement aux besoins d'entraînement des armées de baatezus qui participent à l'incessante Guerre Sanglante, tandis que la quatrième strate, Phlégéthos, est une fosse embrasée, qui consume de ses flammes tous ceux qui se rendent dans ses profondeurs infernales. Les Seigneurs des Neuf sont les défenseurs et les protecteurs de chacune de ces strates, chaque Seigneur assumant les qualités de sa strate afin de préserver sa nature essentielle à l'abri des ravages du chaos. Qui leur a confié cette tâche ? On l'ignore, mais c'est une mission dont ils s'acquittent au mieux de leurs capacités.

Chaque Seigneur a un nom, bien que les noms de seulement trois d'entre eux sont devenus au fil du temps de notoriété publique. A l'instar des autres fiélons, les noms des Seigneurs sont des noms qui servent à réaliser de puissantes conjurations - le magicien primaire qui les prononce doit s'attendre à passer un mauvais quart d'heure, mais cela n'empêche pas pour autant la tentative de conjuration de devenir un inconvénient.

Ca n'a pas été sans peine de découvrir leurs noms. J'ai beaucoup souffert pour avoir la satisfaction de pouvoir coucher leurs noms sur le papier et les faire passer à la postérité. Bien que ce ne soit pas leurs noms véritables, ils n'en demeurent pas moins des noms chargés de puissance. Les Seigneurs des Neufs sont : Bel, le Seigneur de Guerre de l'Averne crevassée ; Dispater, l'Archiduc de Dis, la Cité de Fer Incandescente ; Minauros, le Vicomte de Minauros la Naufragée ; Fierana, la Dame Incendiaire de Phlégéthos ; Prince Levistus de la Stygie marécageuse ; la Comtesse Guenaude Malagard de Malbolge ; l'Archiduc Rampant de Maladomini, Triel le Déchu ; le Baron Molikroth de la glaciaire Canie ; et le Seigneur des Ténèbres du sombre Nessus.

La chanson raconte que des Seigneurs des Neuf tentent parfois d'arracher à d'autres une portion de leur strate. Le Prince Levistus, Seigneur de la Cinquième strate, a la réputation d'être particulièrement aguerri dans ce domaine. On pense qu'il est en train de planifier un assaut sur l'un de ses congénères - du moins, c'est ce qu'on raconte en Stygie, sa strate, et les baatezus amnizus y sont fortement occupés à recruter des biges qu'ils jugent appropriés à cette besogne.

Leurs Pouvoirs

Les Seigneurs des Neuf comptent parmi les plus puissants lascars de tout le cosmos connu. Ils contrôlent les strates du plan, ce qui est bien plus que ce à quoi la plupart des puissances peuvent prétendre. Les Seigneurs Abyssaux peuvent en prétendre tout autant, mais le chaos politique des Abysses est tel que les dirigeants tanar'ris ne peuvent jamais s'élever au-dessus de leurs semblables. En revanche, les Seigneurs des Neuf s'accordent volontiers à mettre leurs différends de côté afin de poursuivre un but commun ; ce dont les seigneurs abyssaux semblent bien incapables de faire.

En un sens, les Seigneurs des Neuf sont leur strate. Ils ont la capacité de faire trembler la terre autour d'eux, de la soulever et de répandre son contenu. Ils peuvent voir tout ce qui se passe sur leur strate, y compris les privautés qui se tiennent à l'abri de barrières sensées les cacher - il n'est pas certain qu'ils ne puissent pas non plus percevoir ce qui se passe dans le royaume d'une Puissance sans l'accord de la divinité.

Bien sûr, ils ne sont pas omniscients. Ils n'ont pas conscience du moindre caillou qui roule ou du moindre courant d'air - mais s'ils le voulaient, pour un instant, ils le pourraient. Ils n'auraient qu'à retirer leur attention portée à d'autres choses, voilà tout.

Sont-ils omnipotents sur leur propre strate ? Nul ne le sait, mais cela semble fort improbable en vérité. Ils sont dotés d'une formidable once de pouvoir, certes, mais ça ne veut pas dire qu'ils peuvent tout faire. Il est bien connu qu'ils forcent rarement quelqu'un à faire quelque chose ; leur méthode privilégiée consiste à faire croire à ceux qu'ils manipulent, quel que soit leur statut, qu'ils accomplissent leurs fonctions volontairement, conformément à une idée dont ils pensent être l'auteur. Dispater adore amener les autres à faire volontairement ce que lui souhaite qu'ils fassent. Ce n'est qu'en cas d'ultime nécessité qu'il utilisera son immense puissance coercitive pour plier une âme.

Ils ont à leur disposition la puissance du vent et de la pluie, de la terre et du feu (chacun ayant bien entendu sa préférence pour l'un ou l'autre de ces éléments). Ils ont également leur propre spécialité, chacun ayant développé la maîtrise d'un pouvoir de destruction particulier. Le Seigneur de l'Averne use d'explosions. Dispater se sert des émotions. Minauros préfère les maladies. Fierana, naturellement, châtie avec le bûcher, tandis que Levistus manie l'arme de l'oubli, et les souffrances que cela entraîne. La Comtesse Guenaude détruit par la force et par écrasement, tandis que Triel a la lubie de l'entropie et de la décadence. Molikroth préfère la glace… et le neuvième ? On ne sait pas, mais cela doit être effectivement un redoutable pouvoir, parce qu'on ne trouve personne pour vous en parler.

Leurs Relations

Le fait que les Seigneurs des Neuf donnent bien leurs ordres à quelqu'un n'est pas un soltif. Ils doivent bien avoir des échanges avec quelqu'un s'ils veulent arriver à quelque chose, non ? Donc, avec qui sont-ils en contact ? La liste est diablement courte. Ils interagissent entre eux, évidemment. Ils marchandent avec les Puissances. Ils donnent des ordres aux diantrefosses et aux baatezus inférieurs. Et à l'occasion, ils font un pacte avec un mortel.

Avec les autres Seigneurs
Les sentiments qu'ils éprouvent les uns pour les autres se rapprochent le plus de ce qu'on pourrait appeler une haine rentrée. Ils se méprisent, mais ils se trouvent rarement dans une position qui leur permettrait de se nuire profondément. Comme signalé plus haut, il leur arrive parfois de vouloir s'emparer d'un morceau d'une strate ou d'une autre, afin d'accroître leurs propres possessions au détriment d'un autre Seigneur, mais ce genre d'exploits ne réussit que rarement. Et quand cela réussit, ce n'est pas sans conséquences fâcheuses. Néanmoins, cela les amuse beaucoup. Peut-être qu'il s'agit pour eux de se tester mutuellement, ou bien que leur rôle dans toute cette affaire ne consiste qu'à voir quelle sorte de malice en ressortira vainqueur. Quoi qu'il en soit, il est bien établi qu'ils utilisent les mortels comme des pions dans ces jeux sans fin, les faisant aller et venir ici ou là dans des quêtes stériles, jusqu'au moment où l'ennui sera finalement le plus fort et que les Seigneurs abandonnent la partie.

Les légendes nous racontent l'histoire d'un mortel qui serait réellement parvenu à pousser les Seigneurs des Neuf à l'affronter directement. Comment il s'y est pris, nul ne le sait, mais pour égaler les Seigneurs en sagacité, vous devez être azimuté ou génial… ou les deux.

Les Seigneurs des Neuf sont habituellement trop occupés pour prêter attention à toutes les affaires pressantes. C'est pourquoi ils ont créé un système aristocratique subalterne. D'une manière typiquement féodale, chaque Seigneur dispose de vassaux et d'une cour dont il charge de traiter les affaires courantes de la strate, ce qui lui laisse du temps disponible pour se concentrer sur les questions véritablement importantes. Les membres de cette noblesse sont forcément d'un rang inférieur, bien qu'ils puissent prétendre être d'un statut social élevé. Tous, sans exception, sont toutefois des diantrefosses d'une puissance peu commune. Certains nobles sont plus puissants et plus anciens que les Sombres Huit, tandis que d'autres sont encore jeunes mais très prometteurs.

Les nobles complotent et intriguent également de leur côté, travaillant sans relâche pour accomplir les volontés de leur suzerain et pour assurer leur promotion personnelle. On dit qu'à partir du moment où un diantrefosse a appris comment fonctionne le pouvoir et comment les affaires sont menées, rien ne l'empêche de tenter de s'emparer du trône de son Seigneur à son profit. C'est déjà arrivé plus d'une fois.

Naturellement, ces nobles ne rechignent pas à utiliser des mortels dans leurs élucubrations. Certains vont même jusqu'à laisser ces mortels jouer un rôle important dans leurs machinations. Et il y en a encore d'autres qui encouragent ces mortels à échafauder leurs propres cabales.

Avec les Puissances
En quoi peut bien consister la relation entre les Seigneurs des Neuf et les Puissances ? Personne ne sait vraiment ; sans aucun doute est-elle tendue dans le meilleur des cas, bien qu'il soit peu probable qu'elle dégénère en hostilité ouverte et généralisée. Les conflits entre les entités de cette envergure ravagent des strates planaires de fond en comble, et ni les Puissances, ni les Seigneurs n'accepteraient un tel gâchis.

Néanmoins, tout le monde sait que Set et Prince Levistus ont failli se déclarer la guerre. Ces deux-là poursuivent des objectifs qui sont loin d'être compatibles, et c'est par des moyens détournés qu'ils essaient de se renverser l'un l'autre. Levistus a envoyé ses agents mortels détruire les temples consacrés à Set, alors que les minions de Set se déchaînent sur les amnizus et les cités de Stygie. C'est le statu quo pour l'instant, mais ils aimeraient bien tous les deux avoir la chance de se mettre des bâtons dans les roues et ils récompenseraient généreusement tous ceux qui pourraient le faire pour eux.

La rumeur raconte que c'est l'hostilité d'un Seigneur qui força le panthéon orc à s'enfuir vers l'Achéron et au-delà. C'est peut-être tout simplement faux, mais si c'était vrai, alors les Seigneurs seraient beaucoup plus puissants que ce que l'on pouvait croire.

On connaît des cas où les Seigneurs et les Puissances ont collaboré à l'occasion. Les tanar'ris, pourvoyeurs de chaos, sont leurs ennemis communs, aussi bien que d'autres Puissances. Pour quelle raison un Seigneur apporterait-il son aide à une Puissance, résidant sur sa propre strate, dans sa lutte contre une autre Puissance ? Cela s'appelle la politique de l'opportunisme, et Seigneurs et Puissances y ont recours aussi souvent qu'ils peuvent.

Avec les Fiélons
C'est le sujet qui m'intéresse le plus. Pourquoi diable quelqu'un d'aussi puissant que l'un des Seigneurs voudrait-il avoir affaire avec des fiélons de moindre importance ? Les Seigneurs sont-ils les superviseurs de la race baatezu, ou bien ont-ils des responsabilités plus grandes encore ? Y a-t-il quelque chose qui nous échappe ?

Etrangement, les Seigneurs ont tendance à laisser les fiélons se gérer eux-mêmes. On ne sait pas si les Seigneurs ont une quelconque relation avec les Sombres Huit, ces chefs officiels des baatezus. Néanmoins, on ne peut s'empêcher de penser que la Guerre Sanglante, qui fait perpétuellement rage, doit bien occuper une partie de l'esprit des Seigneurs, car, au final, c'est leur terre qui serait menacée par une éventuelle percée des tanar'ris.

Mon opinion sur la question est que les fiélons jouent tout simplement le rôle de potentiaires des Seigneurs, qu'ils ne sont rien d'autre qu'un outil de plus à côté de la caste des nobles. Les Seigneurs s'intéressent à la Guerre Sanglante ; c'est parce qu'elle ne se trouve qu'au bas de la liste de leurs priorités qu'ils l'ont entièrement déléguée aux baatezus.

Les Seigneurs ont certainement sous leurs ordres de conséquentes armées de baatezus - des fiélons qui n'appartiennent pas au système hiérarchique imposé par les Sombres Huit. Bien que les baatezus des Seigneurs doivent subir les mêmes processus de sélection et tortures de promotion, ils ne répondent qu'aux nobles des Seigneurs ou aux Seigneurs eux-mêmes. Cela n'empêche pas les recruteurs des Sombres Huit d'enrôler ces biges dans l'armée quand c'est possible - les serviteurs des Seigneurs ont la réputation d'être d'une suffisance insupportable, et on les envoie systématiquement en première ligne, à moins qu'ils ne trouvent quelqu'un pour prendre leur place.

Tous les fiélons, au final, doivent obéissance aux Seigneurs des Neuf, pour cette seule raison qui est que les Seigneurs peuvent anéantir n'importe quel baatezu. Cependant, ces fiélons se voient rarement obligés de faire cela, car les Seigneurs disposent de bien d'autres serviteurs et potentiaires pour réaliser leurs désirs.

Le Pacte avec un Mortel
Une fois tous les mille ans, il peut arriver qu'un mortel soit assez puissant ou assez prudent pour percer les défenses des Seigneurs - il se peut aussi que les Seigneurs le laissent faire dans le cadre d'un plan secret qu'ils nourrissent. En tous cas, le Seigneur qui se laisse conjurer de temps à autre se divertit beaucoup à venir se manifester dans toute sa grandeur à la face du mortel, faisant rejaillir toute sa gloire sur le pauvre bougre. Il s'agit parfois de réduire l'impudent en cendres ; mais plus souvent, il s'agit de se servir du mortel, en le conduisant sur le chemin de la trahison qui le mènera à la folie, pour augmenter outrageusement les pouvoirs du Seigneur.

C'est ce qui arrive habituellement aux membres du clergé. Les Seigneurs gagnent en puissance pour chaque adorateur mortel, tout comme les autres dieux, en revanche, ils ne peuvent pas leur accorder de sorts. Il n'en demeure pas moins que la dévotion des mortels est une source de puissance, et c'est pour cela que les Seigneurs la convoitent. On dit d'ailleurs que c'est bien la seule raison pour laquelle les Seigneurs daignent interférer avec les mortels.

Le problème qui demeure est le suivant : comment leur culte peut-il retenir des adeptes si ceux-ci ne sont pas témoins de l'évidence qu'ils peuvent en retirer aussi du pouvoir ? C'est là qu'intervient la politique de l'opportunisme. Avant de mettre en place un culte sur le Plan Primaire, le Seigneur s'engage à accorder une faveur au profit d'une des Puissances de Baator. En retour (et, souvent, en retour de la puissance gagnée lors des cérémonies), la Puissance donne quelques unes de ses propres faveurs (sous forme de magie divine) au prêtre mortel, créant de fait une étrange combinaison de croyances, mais une combinaison pour le moins mortifère.

Ces cultes se sont de plus en plus développés dernièrement. Leurs rites sont obscènes, leurs façons de faire perverses. Les Seigneurs ne sont-ils pas en train de développer grandement ce genre de religion ? Et si c'était le cas, cela ne signifierait-il pas qu'ils ont l'intention de devenir des Puissances de leur plein gré ?

Quelle qu'en soit la raison, les cultes sataniques séduisent de plus en plus de mortels chaque jour avec des promesses de pouvoir et d'immortalité, à travers tout le Plan Primaire et tous les Plans Extérieurs. Ce n'est plus qu'une question de temps avant que des mesures draconiennes ne soient prises pour éradiquer ce fléau.

Portraits des Seigneurs des Neuf

C'est le soltif le plus dur que j'ai eu à éclaircir. Si les Seigneurs ont si longtemps résisté à ce qu'on sache quelques généralités sur eux-mêmes, vous pensez bien qu'ils seraient encore plus réticents à ce que la moindre information ne filtre les concernant personnellement.
Eh bien, tant pis, c'est fait. Il faudra bien qu'un jour ils regardent en face la vérité, et pourquoi pas dès à présent. J'ai mis au grand jour leurs noms, ce que j'ai pu apprendre de leur histoire, et toute autre information que j'estime d'importance.

Le Seigneur de Guerre de l'Averne
Le Seigneur de l'Averne originel (non pas Tiamat, contrairement à ce qu'on croit) s'est retrouvé emprisonné et enchaîné par son seigneur de guerre, le diantrefosse Bel, il y a de cela des milliers d'années. Elle lutte maintenant pour briser ses liens, mais ses efforts deviennent de plus en plus atténués car Bel absorbe toujours plus l'énergie du Seigneur pour se renforcer. Dans les faits, Bel est le nouveau Seigneur de Guerre de l'Averne, et cela convient bien aux autres - du moins il semblerait ; ils n'ont pas daigné lever le petit doigt pour porter secours à leur sœur captive.

Cependant, à cause de ça, l'Averne est devenue un tant soit peu plus féroce, plus brutale qu'elle ne l'était sous le règne du précédent Seigneur ; et le Seigneur du Premier n'a pas beaucoup de temps pour superviser la maintenance de la strate - non pas qu'il en est incapable, mais il est simplement débordé. Il ne peut pas se décharger de ses responsabilités sur les Sombres Huit, alors qu'il pourrait aisément les broyer s'il le souhaitait - mais ils demeurent dans la forteresse de Malsheem au Nessus, et l'autorité de Bel ne s'étend qu'à la première strate.

Bel n'a découvert que récemment comment se créer un avatar. Celui-ci prend la forme d'un humanoïde robuste, au menton proéminent et aux bras musculeux. La peau de l'avatar est légèrement teintée de rouge. Ses sourcils froncés et sa rage à peine contenue dissuadent quiconque d'offenser l'incarnation du Seigneur du Premier.

 

L'Archiduc de Dis
On pense que Dispater est l'un des plus vieux Seigneurs des Neuf. Il est assez intelligent pour le laisser croire en tous cas. Il règne sur la seconde strate depuis sa tour de plomb et de fer, au sommet de laquelle il peut voir tout ce qui se passe sur ce plan dans le moindre détail. Sa strate est un lieu vert gris de chaleur et de douleur, qui reflète parfaitement l'âme du suave archiduc.

Dispater ne perd jamais son sang-froid. Bien que la colère brûle dans sa poitrine, il s'enorgueillit de sa modération et de ses bonnes manières. S'il devait jamais perdre sa contenance, il y a des chances pour qu'il extermine les témoins plutôt que de les voir rapporter sa honte.

L'avatar de Dispater ressemble à un homme de 3 mètres de haut à la peau jaune, avec des cornes de diantrefosse, et une cape rouge et fluctuante.

 

Le Vicomte de Minauros
Minauros le Serpent habite la Cité Naufragée, son énorme masse ondoyant et sinuant dans l'eau fétide de sa strate. Il est insidieux et venimeux, ses pensées sont tortueuses et perverses. Il s'exprime par énigmes, tournant toujours autour du pot, même lorsqu'il s'agit de donner des ordres. Ses sous-fifres imitent ce comportement, dans l'espoir de plaire à leur Seigneur.

Minauros semble passer la plupart de son temps dans les eaux qui stagnent sous sa cité, menant une vie d'amphibien dans les eaux noirâtres de sa strate. Il ne s'aventure jamais loin de la Cité Naufragée, préférant superviser son domaine d'un lieu unique.

L'avatar du Vicomte ressemble à un serpent colossal avec, à la place de la tête, un torse humanoïde. Ses yeux sont jaunes avec la pupille en amande, sa langue est fourchue et sa voix est susurrante.

 

La Dame Incendiaire de Phlégéthos
Fierana, Dame de Phlégéthos, se montre rarement et ne fait encore moins sentir sa présence. Elle préfère s'abandonner dans le magma en fusion de ses terres, confiant le gouvernement au diantrefosse Gazra. Cependant, elle n'est pas assez stupide pour lui concéder trop de pouvoir et elle ne manque pas de lui rappeler l'autorité liée à sa position à chaque fois qu'elle pense qu'il projette de l'empailler.

Son tempérament est papillonnant, ses humeurs sont changeantes. Elle est comme la flamme qui danse, passant d'une obsession à une autre, brûlant la chandelle par les deux bouts pour l'éternité. Néanmoins, elle agit de la sorte dans le cadre d'un plan d'ensemble qu'elle seule est capable de concevoir - tout autre façon de faire serait chaotique, et sa tâche est de garantir l'ordre.

Son avatar prend la forme d'une belle jeune femme aux cheveux roux flamboyant et à la silhouette souple. Le bige qui n'y prend pas garde et se laisse abuser par sa beauté n'a que ce qu'il mérite - être réduit en cendres.

 

Le Prince de Stygie
Levistus est probablement le moins apprécié des Seigneurs des Neuf, surtout parmi ses congénères. Il se soustrait aux règles, qu'ils s'imposent à eux-mêmes, en voulant constamment d'avantage de pouvoir, habituellement aux dépens des autres Seigneurs. Ses bastions d'amnizus ne respectent pas la hiérarchie des diantrefosses et ils sont toujours en train de comploter contre les Sombres Huit.

Ils nourrissent également une aversion commune pour leur Seigneur, et c'est la raison pour laquelle Levistus n'a pas encore réussi à supplanter le reste des Seigneurs. Quand ils réalisent les objectifs de leur chef, ils travaillent de concert pour les conduire à la ruine. Tandis qu'ils se haïssent les uns les autres.

L'avatar de Levistus est un beau ténébreux aux yeux rêveurs. Il aime se vêtir de façon voyante et il se pare de bijoux quand il se manifeste aux mortels. Malgré cela, il est d'ordinaire tellement accaparé par les affaires de la Stygie et tellement occupé à échafauder des plans, prisonnier qu'il est des glaces, qu'il ne se donne pas la peine de former un avatar.

 

La Comtesse Sorcière de Malbolge
Malagarde, la Reine Sorcière des Terres Broyées, se délecte des apparences surprenantes. Les cités de sa strate sont d'énormes citadelles de bronze, placée chacune sous l'autorité d'un diantrefosse. Ces citadelles résonnent du bruit d'impacts des énormes boulets qui les bombardent en permanence, et les habitants doivent toujours être attentifs aux tensions dans le bronze. S'ils ne le sont pas, Malagarde s'assure que les prochains le seront. Plus d'une cité a perdu sa population quand elle est venue corriger leurs fautes, sa grande épée de feu à la main.

L'avatar de Malagarde peut être raisonné mais elle ne pardonne pas aux imbéciles. Elle apparaît sous la forme d'une vieille sorcière, courbée sous le poids des ans. Elle dissimule un immense pouvoir sous ses traits décrépis, rappelant à tous qu'il ne faut pas se fier aux apparences. Elle porte une épée qui s'enflamme avec sa colère ; cette arme semble trop lourde pour elle, mais dans sa main elle est légère comme une plume. Quiconque la touche reçoit immédiatement 1d20+20 points de dégât.

 

L'Archiduc Rampant de Maladomini
Triel le Déchu fut jadis un archon, du moins c'est ce que dit la chanson, qui fut jeté du haut des sommets du Mont Céleste pour une vanité excessive concernant ses perfections éternelles et un narcissisme poussé à l'extrême. Ses semblables le jetèrent des hauteurs célestes, et sa forme fut changée à jamais lors de sa chute jusqu'à l'Orifice Puant de Baator. Il est aujourd'hui à la tête des cités en déréliction de Maladomini, sans cesse recherchant la configuration parfaite de sa cité. Il abandonne à leur ruine les anciennes cités, ne se concentrant que sur l'achèvement des nouvelles.

Son avatar est celui d'une énorme limace déformée, ayant des traits vaguement humains et des avortons de membre qui ressemblent plus à des appendices préhensibles qu'à de véritables bras. Et pourtant, un mortel qui contemple l'avatar pourra saisir fugitivement des aperçus de la beauté que Triel possédait avant sa chute.

 

Le Baron de la Canie
Molikroth est pervers et cruel. Rien de surprenant ici. Ce qui est surprenant, c'est l'étendue de sa perversité et de sa cruauté. En tant que roi de la frigide Canie, il excelle dans l'utilisation de la glace et du froid. Il sait se servir de ces moyens à un tel degré de maîtrise qu'il peut faire implorer la pitié par n'importe quel potentiaire. Il s'adonne aux plaisirs de torturer ses victimes qu'il préfère voir venir à lui, dans sa citadelle de Mephistar, c'est pourquoi il ne la quitte que rarement.

Il s'investit complètement dans la gestion de sa strate. Lors des derniers millénaires passés, il a dû rester sur ses gardes, se méfiant des manœuvres du Prince Levistus, ce qui l'a rendu encore plus suspicieux au fil du temps. Personne ne passe sur sa strate sans que le Baron ne le sache.

L'avatar du Baron est un homme d'une obésité remarquable et d'un dandysme vestimentaire inégalé. Il s'habille toujours à la dernière mode de Sigil, et avec les étoffes les plus outrageusement coûteuses. Cependant, même les plus beaux habits ne l'empêchent pas de paraître ridicule.

 

Le Seigneur des Ténèbres du Nessus
Je n'ai pas pu trouver d'informations sur cet affranchi. Il (ou elle, pour être tout à fait franc) est si bien caché que cela prendrait encore des années de recherches à dépoussiérer de vieux volumes ou bien à conduire de pénibles entretiens avec des fiélons qui seraient mieux renseignés. J'ai déjà accompli beaucoup, et on ne me détournera pas de mon but. Je peux encore enquêter - quelques années de plus, je pense. Qu'est-ce qui pourrait m'arriver de pire ?

Note : Peu avant publication, Willgan l'Obstiné fut victime de ce qu'on pourrait appeler une auto implosion. On retrouva quelques gouttes de sang à l'endroit où il se tenait, mais rien de plus ne fut découvert sur son sort. Nous avons pris la liberté de publier ceci à titre posthume. De nombreux fiélons ont déclaré qu'il s'agissait là d'une "charmante œuvre de fiction sans fondement."

 

Traduction de "The Lords of the Nine", paru dans le Dragon Magazine n°223 (Novembre 1995)
Texte de Colin McComb
Illustrations de Tony Diterlizzi