7. La prison oubliée
Cette misérable pièce cubique de trois mètres de côté ne semble avoir aucune issue. Trois leviers d’une trentaine de centimètres dépassent de l’un des murs.
Mécanique
Même les moyens magiques ne révèlent aucun échappatoire à cette prison.
Les trois leviers peuvent être poussés vers le haut ou vers le bas, indépendamment les uns des autres.
S’ils sont poussés simultanément vers le bas, le sol se dérobe sous les aventuriers, qui chutent dans une fosse profonde d’une trentaine de mètres, ce qui leur inflige 10d10 points de dégâts. La trappe se referme au bout de dix minutes (un tour), emprisonnant les malheureux qui auraient survécu.
Si les leviers sont poussés simultanément vers le haut, une trappe s’ouvre au milieu du plafond (à 3 m de hauteur). Ce passage donne accès à un étroit tunnel dans lequel il faudra avancer à quatre pattes (il fait environ un mètre en largeur et en hauteur). Au bout d’environ trois mètres, le boyau tourne vers la gauche. À cet endroit, une partie du plafond est en fait une espèce de plaque dissimulée que l’on peut soulever pour accéder à la zone 11. Les sorts comme vision réelle ou détection de l’invisibilité permettront de la repérer, de même que les méthodes de recherche classique (ça sonne creux quand on tape). Les autres aptitudes de détection des passages secrets sont inefficaces.
Le boyau se poursuit jusqu’à une porte magique à sens unique qui débouche dans l’une des fosses du couloir d’entrée.
Analyse
La première difficulté pour le MJ dans cette salle est de déterminer ce que les joueurs peuvent détecter. Le texte du module indique expressément que les moyens magiques ne permettent pas de repérer la moindre issue. La formulation sous-entend qu’
a fortiori cela exclut les autres méthodes de détection (en VO :
this miserable cubicle appears to have absolutely no means of egress, and even a magical means of detection will not indicate any.) C’est l’emploi du mot
even qui me conduit à penser que dans l’esprit de Gygax il faut en fait considérer que les sorties de la pièce sont indétectables par quelque moyen que ce soit.
Mais la trappe dissimulée qui constitue le sol est-elle vraiment une « sortie » ? Ne devrait-elle pas pouvoir être détectée en tant que piège ?
Ma réponse est non. En effet, si la trappe du plafond et le passage qu’elle dissimule ont été conçus de telle sorte qu’ils soient indétectables, pourquoi la même technique n’aurait pas été appliquée à la fosse dissimulée sous le sol ? Il me semble plus logique de traiter la totalité de la pièce comme un ensemble cohérent : l’ingénierie du sol et du plafond sont similaires. Quant à savoir comment les méthodes de détection sont déjouées, c’est un mystère. Ma théorie est que le soin apporté à la conception de cette salle est tout bonnement exceptionnel. Il pourrait s’agir d’un autre produit des recherches d’Acererak, comme le piège de la fresque aux hommes-chacals. La prison oubliée n’aurait pas dépassé le stade de prototype car elle requiert des techniques de construction trop complexes pour être généralisées.
La deuxième difficulté présentée par cette zone est que le module ne décrit pas la nature de la paroi dans la fosse. Du coup, le MJ doit prendre une décision arbitraire pour déterminer la vitesse d’escalade potentielle. Personnellement, je considère que la surface n’est pas glissante, car je visualise plutôt la TDH comme un environnement relativement sec. En revanche, je n’imagine pas Acererak tolérer des finitions autres que soignées (surtout dans le contexte de ma théorie sur la conception de la salle). J’estime donc que la surface est « lisse mais avec quelques prises, peu rugueuse ». Conformément au GDM, cela donne une vitesse d’escalade de 4 m par round. Dans cette hypothèse, il est possible pour un voleur de se sortir de la fosse avant qu’elle se referme avec huit jets d’escalade réussis à la suite.
Pour le halfling voleur de niveau 11 pré-tiré, qui n’a que 84 % en escalade, la probabilité de réussir 8 jets à la suite est de 25 % (0,84^8). S’il se lance immédiatement à l’assaut de la paroi, ses chances de se sortir du piège sont de 33 % en tenant compte du fait que s’il tombe au premier ou au deuxième round, il lui reste encore le temps d’arriver au sommet avant que la trappe se referme. Mais s’il prend un round pour se remettre de ses émotions avant d’entamer l’escalade, ses chances tombent à 29 % et s’il en prend un autre pour avaler un encas de réconfort, la probabilité de s’échapper tombe à 25 % puisqu’il n’a plus le droit à la moindre erreur. Dans la même situation, l’elfe mage/voleur pré-tiré de niveau 7/9, avec ses 98 % en escalade, aura 88 % de chances de s’enfuir s’il se lance à l’assaut de la paroi immédiatement, 87 % s’il attend un round et 85 % s’il part après deux rounds.
Vous voudrez peut-être améliorer les chances du voleur en considérant qu’on peut grimper à six mètres par round, avec une paroi « assez rugueuse et quelques prises, très rugueuse ». Mais honnêtement, vus les 10d10 points de dégâts de la chute, je ne pense pas que ce piège soit censé laisser beaucoup de marge aux PJ de toute manière.
En règle générale, les PJ qui sortent vivants de cette salle sont ceux qui voient venir les ennuis et prennent les devants en enfonçant des pitons dans les murs et en s'assurant avant de tester les leviers.
Certains MJ considèrent que la salle présente une énigme facile à résoudre : bas pour la trappe, haut pour la sortie. Ils ont tort à mon avis. Il faut juger à partir des infos dont disposent les PJ, et ceux-ci pourraient tout aussi bien imaginer qu’il y a un passage secret sous leurs pieds et trente tonnes de sable qui attendent au-dessus de leur tête. Par ailleurs, rien n’indique que les leviers obéissent à une logique aussi simple. Les baisser pourrait ouvrir le plafond et les monter ouvrir le sol. Ou cela pourrait être une combinaison purement aléatoire, comme l’ordre des cristaux de l’arche de brume. Bref, la survie dépend ici des précautions prises par les joueurs et de leur chance, c’est tout.
Pour conclure, examinons le boyau qui ramène les PJ dans la zone 3. Le passage secret qui mène en 11 est une méthode alternative pour rejoindre le second « grand couloir » évoqué par le poème. Autrement dit, les joueurs qui ont échoué à résoudre l’énigme de l’arche de brume ont droit à une solution de secours. Le repérage de l’emplacement de ce passage se fait de manière assez standard : en tapotant à l’écoute de sons creux ou avec la magie. Quand Gygax précise que les autres méthodes de détection sont inefficaces, j’imagine qu’il fait référence aux aptitudes des elfes et demi-elfes. Leur inefficacité dans cette situation est en fait tout à fait conforme aux règles. En effet, le passage est fermé par une sorte de « bouchon » (
plug en VO) : il suffit de le soulever, comme une plaque d’égout, et on se retrouve dans la zone 11. Il n’y a donc pas de mécanisme déclenchant l’ouverture du passage. Or, comme je l’ai rappelé dans le chapitre « quelques points de règles essentiels », les capacités de détection des elfes et demi-elfes concernent les mécanismes de déclenchement, et non pas l’emplacement des passages secrets. Elles ne sont donc d’aucun secours ici.
Enfin, le boyau débouche sur le fond d’une fosse, ce que je trouve personnellement assez rigolo. Comment se présente la porte magique à sens unique est laissé à l'imagination du MJ. Je visualise pour ma part une bête porte de bois au fond du tunnel, qui laisse place à un mur une fois qu’on se retrouve dans la fosse. Pour un observateur, quiconque sort du tunnel à l’air de passer à travers le mur comme s’il était intangible. Dans tous les cas, il ne s’agit pas d’un passage secret et la porte devrait donc être évidente, en tout cas en arrivant du tunnel. Je considère par contre qu’elle est invisible du côté de la fosse (elle pourra cependant être détectable comme n’importe quel passage secret, même s’il n’y a aucun moyen de l’ouvrir de ce côté).
Le groupe qui finira par sortir de la zone 7 emportera donc comme récompense pour sa peine un précieux indice : il peut y avoir des passages secrets cachés dans les passages secrets et au fond des fosses.